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jeudi 6 janvier 2022

Giulietta e Romeo de Zingarelli - Château de Versailles Spectacles

Bonaparte, Premier consul (1803) par Jean-Auguste Ingres (1780-1867) Curtius Museum


Au confluent de la tragédie lyrique et de l'opéra napolitain

Giulietta e Romeo, opéra seria (dramma eroico) composé par Niccolo Antonio Zingarelli (1752-1837) sur un livret de Giuseppe Maria Foppa (1760-1845), fut créé le 30 janvier 1796 à la Scala de Milan. Les circonstances de cette création, la brillante carrière que fit cet opéra à Paris et le contexte historique et musical ont été décrits dans l'article de Bruno Maury (1) paru après la représentation organisée par Château de Versailles Spectacles et par Laurent Brunner dans la notice du DVD dont nous parlons maintenant (2).


Né à Naples et mort à Torre del Greco, une ville située au pied du Vésuve, Zingarelli fait partie de l'école napolitaine. Cette dernière, à partir du début du 18ème siècle, rayonna dans toute l'Europe par ses compositeurs, ses pédagogues et ses chanteurs. Elle fut l'instigatrice d'un style de musique où toute l'attention était portée à la voix et où l'accompagnement devait s'effacer pour la mettre en valeur, style que l'on résume par le terme de bel canto. S'illustrèrent dans ce style au 18ème siècle Leonardo Vinci (1691-1730), Johann Adolphe Hasse (1699-1783), Niccolo Piccinni (1728-1800), Giovanni Paisiello (1740-1816), Domenico Cimarosa (1748-1801). La réforme de l'opéra seria initiée par Christoph Willibald Gluck (1714-1787) vers 1760, en accordant une grande place aux choeurs, récitatifs accompagnés, ensembles, ballets et orchestre à la manière de la tragédie lyrique française, donna naissance à des œuvres telles que Orfeo ed Euridice de Gluck (1762), Antigona de Tommaso Traetta (1772), Armida d'Antonio Salieri (1771) (3), Idomeneo de Wolfgang Mozart (1781) qui s'éloignaient notablement du modèle napolitain. Toutefois l'opéra seria non réformé de type napolitain était loin d'être mort et avait même de beaux jours devant lui comme le montrent l'Armida de Giuseppe Haydn (1784) (4), l'Olimpiade de Cimarosa (1784), la Fedra de Paisiello (1788) ou encore Enea nel Lazio de Giuseppe Sarti (1796).

Giulietta e Romeo est indiscutablement un opéra réformé qui, par l'importance des choeurs et des morceaux de bravoure vocaux, se situe à la jonction de la tragédie lyrique et de l'opéra napolitain; exactement contemporain de Gli orazi ed i Curiazi, chef-d'oeuvre de Cimarosa (5), il rejoint le même idéal car il renferme de grandes beautés et des passages exaltants témoignant du tempérament dramatique de son auteur. Parfois les harmonies font presque croire que cette œuvre est contemporaine de celles de Vincenzo Bellini (1801-1835), élève de Zingarelli ou de Gaetano Donizetti (1797-1848).


Vincenzo Bellini portrait peint par Giuseppe Tivoli

Tandis que se prépare le mariage arrangé de Giulietta et Teobaldo, les deux clans des Cappellii (Capulets) et Montecchii (Montaigus) s'affrontent. Malgré les provocations des uns et des autres, Romeo reste à la fête et ne peut détacher ses yeux de Giulietta. Everardo, père de la promise, arrive avec Teobaldo et les deux s'inquiètent du manque d'enthousiasme de Giulietta. Cette dernière avoue à Matilde, sa camérière, qu'elle est amoureuse d'un ennemi de son clan. Suite à un entretien avec sa fille, Everardo se doute d'une trahison. Les provocations de Teobaldo se succèdent et Romeo finit par le tuer tandis qu'Everardo crie vengeance. A l'acte II Romeo tente d'expliquer à Everardo les raisons de son meurtre et ce dernier comprend le lien qui le lie à Giulietta. Sa colère dépasse toutes les bornes. Romeo et Giulietta s'étant déclarés mari et femme en secret, Gilberto, ami de Romeo lui conseille de s'éloigner tandis qu'il veillera sur Giulietta. Gilberto donne à Giulietta une potion avec laquelle elle pourra simuler la mort. Elle boit le filtre et quand son père la menace de l'enfermer dans une tour du château, perd connaissance. L'acte III débute dans le caveau des Cappellii où Giulietta doit être inhumée. Romeo inopinément de retour voit Giulietta dans la tombe et devient fou de douleur, il s'empare d'une ampoule de poison et boit son contenu. Giulietta se réveille et se réjouissant en voyant son amant, lui explique qu'elle a fait semblant d'être morte mais Romeo s'affaiblit et meurt dans ses bras. Giulietta le suit dans la tombe.

Le librettiste s'inspire de sources diverses dont la pièce de Shakespeare en simplifiant l'histoire et en supprimant plusieurs personnages. La version du présent enregistrement est une sélection des grands airs favoris de l'Empereur Napoléon Ier. Les personnages de Gilberto et de Matilde ont disparu et les rôles d'Everardo et de Teobaldo sont tenus par un seul chanteur (Philippe Talbot) tandis que celui de Giulietta est attribué à Adèle Charvet et celui de Romeo à Franco Fagioli (2).


Gaetano Donizetti portrait peint pat Giuseppe Rillosi (1811-1880)

L'opéra s'ouvre par une cavatine de Romeo, Che vago sembiante, che luci vezzose, d'une grande beauté mélodique, accompagnée par une clarinette expressive. Franco Fagioli nous éblouit par sa ligne de chant et son legato. Lors de la cadence, il franchit sans peine deux octaves. Un peu plus loin, les solistes dialoguent avec le choeur doublé par l'orchestre tandis que flûtes et bassons se livrent à de brillantes figures. L'effet est sensationnel par son audace et sa puissance. Le choeur est ici un personnage doué d'une vie propre qui joue à jeu égal avec les solistes. Au coeur de l'action, survient le célèbre duetto de Giulietta et Romeo, Deh, per pietà rimira, les deux amants incarnés respectivement par Adèle Charvet et Franco Fagioli dialoguent d'abord puis unissent leurs voix dans un sommet de beauté mélodique et de sentiment. L'aria de Giulietta, Adora i cenni tuoi, par sa virtuosité et son orchestration très fouillée, anticipe Gioachino Rossini (1792-1868). Adèle Charvet de sa voix charnue au timbre très séduisant nous régale d'un merveilleux cantabile puis se joue des mélismes et des vocalises dont son air est truffé. Philippe Talbot est particulièrement percutant dans Le stigie furie, le fiere eumenide, air de Teobaldo, accompagné par le choeur dans un magnifique élan dramatique.

A l'acte II, on remarque d'abord le brillant duo entre Romeo et Everardo, Giusto ciel, del mio tormento. Vient ensuite la prière de Romeo, Ciel pietoso, ciel clemente, accompagnée par des clarinettes rêveuses, moment magique où Franco Fagioli se surpasse. Après un deuxième récitatif accompagné vient un étonnant duetto où les deux amants déclarent leur inquiétude et leur douleur d'être séparés. A ce duetto succède l'air électrisant de Giulietta en mi bémol majeur, Qual improviso tremito, sposo mio, ben mio, acmé de l'opéra, que chante avec beaucoup d'engagement et une intonation parfaite Adèle Charvet. Le style romantique et brillant de cette dernière annonce de près la manière de Vincenzo Bellini.

L'acte III débute par une marche funèbre en do mineur. On admire ensuite plusieurs récitatifs accompagnés de Romeo qui, croyant Giulietta morte, se désespère. Ces récitatifs sont interrompus par les thrènes du choeur, Lugubri gemiti, dont le rythme à trois temps évoque de près le Gluck d'Orfeo ed Euridice et par de magnifiques soli de basson et de clarinette, ils sont suivis par une cabalette andantino, Idolo del mio cor, où on admire les vocalises extraordinaires de Franco Fagioli. Après avoir bu le poison, Romeo chante l'air Ombra adorata aspetta, une cavatine composée, dit-on, par Girolamo Crescentini (1762-1846), attributaire du rôle en 1796 où Franco Fagioli, bouleversant, fait triompher une ornementation élégante parfaitement appropriée. Le duetto entre Romeo mourant et Giulietta, Ahimè gia vengo meno, avec clarinettes porte l'émotion à son comble. Un bref choeur final, Che esempio funesto, violemment scandé par les timbales, met un point final à l'oeuvre et tire la morale de l'histoire.


Joséphine de Beauharnais par François Gérard (1770-1837), Musée de l'Hermitage

A l'écoute de ce DVD, j'ai été enthousiasmé par Franco Fagioli. Il est ici totalement dans son élément avec une adéquation parfaite entre son style et la musique de Zingarelli. Les qualités de sa voix sont bien connues et on les retrouve ici: projection exceptionnelle, intonation parfaite, tessiture de plus de deux octaves sans le moindre creux. Mais dans ce rôle de Romeo, il y avait quelque chose de plus, un timbre de voix plus éclatant, une palette de coloris et de nuances capable d'exprimer une multitude d'affects, une émotion palpable à fleur de peau et des suraigus renversants. Bien que le rôle le plus important lui fût attribué, il a laissé de l'espace à sa partenaire Adèle Charvet comme le montrent leurs deux duettos parfaitement équilibrés. On l'a dit plus haut, Adèle Charvet maitrise le chant baroque ; la mezzo-soprano est remarquable dans le rôle titre de Cadmus et Hermione de Lully donné récemment en ces lieux (6,7) et sa voix possède une excellente projection, sa ligne de chant est d'une suprême harmonie. J'ai apprécié plus particulièrement dans cette œuvre sa voix corpulente, agile et au grain fin, l'élégance de son style ainsi que son aptitude à ornementer les phrases musicales de mélismes et vocalises d'un goût éclairé. Avec sa très belle voix de ténor, Philippe Talbot incarnait magistralement un Everardo déchiré entre son amour paternel et sa haine implacable du clan opposé.


C'est un choeur (Opéra Royal) de luxe qui donnait la réplique aux solistes. Composé de sept chanteurs seulement mais de très haut niveau, il équilibrait parfaitement les voix de l'orchestre et celles des solistes. Parmi les choristes, Lily Aymonino (Matilde) et Marco Angioloni (Gilberto) ont fait quelques belles interventions en tant que solistes.



L'orchestre de l'Opéra Royal comportait un ensemble de vents complet (flûtes, clarinettes, hautbois, bassons, cors et trompettes par deux) qui équilibrait idéalement un pupitre de cordes parfaitement proportionné. Les instrumentistes jouaient tous sur instruments anciens. Parmi eux on remarquait de lumineux traversos, des hautbois très expressif dont celui de Gabriel Pidoux, de moelleuses clarinettes, des bassons aux riches couleurs et de superbes cors naturels. Cet orchestre sonnait magnifiquement notamment dans la vigoureuse sinfonia et son impact était décuplé par la direction de son chef Stefan Plewniak, dont l'engagement et le geste étaient admirables.


C'est un grand bonheur pour un lyricomane de découvrir une œuvre nouvelle. Au départ document d'intérêt musicologique, Giulietta e Romeo devient par la grâce de chanteurs, d'instrumentistes et d'un chef divins, une source de ravissement et d'émotion.


(1) http://www.baroquiades.com/articles/chronic/1/giulietta-e-romeo-zingarelli-versailles-2021

(2) Laurent Brunner, Amours et passions lyriques, Napoléon et l'opéra Giulietta e Romeo, Notice du DVD  © Château de Versailles Spectacles, 2021.

(3) http://www.baroquiades.com/articles/recording/1/armida-salieri-rousset-aparte

(4) https://piero1809.blogspot.com/2019/04/armida-de-joseph-haydn.html

(5) https://piero1809.blogspot.com/2014/11/leshoraces-et-les-curiaces-le-serment.html

(6) http://www.baroquiades.com/articles/chronic/1/cadmus-et-hermione-lully-dumestre-versailles-2019

(7) http://www.baroquiades.com/articles/recording/1/cadmus-hermione-cvs

(8) Les illustrations libres de droits proviennent de Wikipedia que nous remercions.


samedi 1 janvier 2022

Carmen à l'Opéra National du Rhin

© Photo Klara Beck, Stéphanie D'Oustrac

Posséder ou être possédé, telle est la question que le metteur en scène de Carmen, Jean-François Sivadier, pose dans sa note d'intention (1). Aux multiples transpositions qui ont émaillé le parcours de cet opéra, le metteur en scène a préféré remodeler le personnage de Carmen. A la femme fatale, il préfère une adolescente avant tout éprise de liberté, encore imprégnée d'esprit d'enfance et mue par ses caprices. Carmen n'est pas possédée comme le voudrait la société patriarcale dans laquelle elle vit, c'est elle qui possède au gré de son bon vouloir, attitude qui lui vaut la méfiance voire la haine de tous. La grille de lecture de cet opéra n'est plus la même de nos jours qu'au moment où l'oeuvre avait été créée. Si en 1875, le souvenir de la Commune était dans tous les esprits, de nos jours le meurtre de Carmen perpétré sur scène au premier plan, est interprété comme le stade ultime des violences faites aux femmes. En toile de fond, la scène de tauromachie et la mise à mort du taureau, suscitent une hostilité de plus en plus forte de nos jours tandis que cette tradition espagnole n'était pas contestée au temps de Bizet. Cette mise en scène est par ailleurs très respectueuse du livret. Incidemment, on remarque dans ce dernier l'absence presque totale de références à la religion, ce qui ne manque pas d'étonner vu que l'action se déroule à Séville, une ville hérissée de clochers. La seule allusion provient de Micaëla qui est un personnage très excentré par rapport au nœud de l'action. Signalons enfin la remarquable direction d'acteurs tout au long du spectacle.

© Photo Klara Beck  Régis Mengus

Plutôt qu'une Espagne de pacotille, c'est plutôt une Espagne rêvée que nous montre la scénographie (Alexandre de Dardel). Pas de castagnettes (mis à part le duo, Don José/Carmen, Je vais danser en votre honneur, Acte 2 n° 17), peu de Flamenco et de danses andalouses, pas de costumes couleur locale, nonobstant l'habit de lumière d'Escamillo, les décors et les costumes (Virginie Gervaise) sont intemporels et plutôt sobres. Une tenture rouge annonce à certains moments que la mort est au bout des mauvais chemins. Des structures en bois munies de portes assurent la communication des différents lieux de la ville (la caserne, l'école, la fabrique de cigares, les habitations) avec la scène. Cette dernière est en même temps la Plaza Mayor de la ville où Carmen lance une fleur à Don José ou bien défie la ville entière, une arène, celle où le toréador Escamillo combat puis met à mort le taureau ou bien un lieu avec les arènes en toile de fond où Don José commet en même temps son meurtre.


Certains chroniqueurs de l'époque de Bizet critiquèrent le wagnérisme de sa musique, réaction étrange quand on lit l'opinion de Nietzsche en 1888 qui admirait la simplicité de Carmen et trouvait la musique aux antipodes de celle de Wagner. J'ai entendu hier le chef-d'oeuvre de Bizet pour la vingt deuxième fois, confie le philosophe dans son ouvrage, Le cas Wagner. Certes la simplicité est une qualité majeure de cet opéra mais la simplicité peut devenir la banalité si l'exécution n'est pas à la hauteur. Ce n'était pas le cas ce jeudi soir. Grâce à une mise en scène sobre qui s'efface devant la musique et au talent de tous les artistes, la musique était valorisée et se présentait sous son meilleur jour. Les scènes de foule étaient très réussies notamment le fameux choeur des gamins au début de l'acte 1. Le passage le plus génial était le fameux quintette des contrebandiers, acte 2, n° 17, Notre métier est bon. La musique de Bizet y est plus hardie et moderne que partout ailleurs dans l'opéra et les protagonistes se surpassaient au plan théâtral et musical. La scène finale était aussi une grande réussite dramatique par son intensité exceptionnelle (2, 3)).


© photo Klara Beck, Christophe Gay, Stéphanie D'Oustrac, Yanis Skouta, Judith Fa, Séraphine Cotrez, Raphaël Brémard


Stéphanie d'Oustrac est familière de ce rôle de Carmen qui lui va comme un gant. Sa prise de rôle date effectivement de 2010 à l'Opéra de Lille. Sa voix de mezzo-soprano semblait vraiment taillée pour incarner ce personnage. Paradoxalement les graves manquaient parfois un peu de projection sur les mots, Toujours la mort, dans le trio de cartomancie du troisième acte, Mélons, coupons, mais les aigus étaient magnifiques de puissance et de pureté. Sa voix richement modulée sans vibrato intempestif adornait la musique de Bizet de mille couleurs. Parmi tous les tubes, j'ai préféré la séguedille n° 10 de l'acte 1, Près des remparts de Séville. Dans cette mélodie, une des plus subtile et raffinée de l'opéra, Stéphanie d'Oustrac se surpasse et nous offre un moment de grâce absolue.


Edgaras Montvidas est un habitué des grandes scènes internationales. Le ténor lithuanien m'a d'emblée séduit par son timbre de voix chaud, son legato harmonieux, de beaux aigus à l'intonation parfaite, qualités qu'il fit briller dans l'air célèbre, Ma mère, je la vois ou encore dans La fleur que tu m'avais jetée. Son chant m'apparut très nuancé avec de splendides pianissimos en accord avec le personnage relativement calme qu'il incarnait pendant une bonne partie de l'oeuvre. Le déchainement de violence de la scène finale n'en était que plus spectaculaire.


© Photo Klara Beck, Edgaras Montvidas et Stéphanie D'Oustrac


Micaëla occupe une place assez spéciale dans l'opéra, c'est un personnage extérieur qui n'est pas mêlé au tourbillon de passions qui agitent les protagonistes sévillans. Elle représente l'ordre établi, la morale, vertus auxquelles Don José va se soustraire. Ce rôle était chanté par Amina Edris, une soprano spécialisée dans le bel canto. De sa voix au volume imposant et à la belle ductilité, la cantatrice exprimait beaucoup de sentiment et d'émotion dans ses deux interventions les plus fameuses, au premier acte, Tout cela n'est-ce pas, mignonne et au quatrième acte, La-bas dans la chaumière. Quelques aigus un peu durs ne déparaient pas une excellente prestation d'ensemble.


Régis Mengus (baryton) nous régala d'une magnifique interprétation du fameux tube d'Escamillo, Le cirque est plein, c'est jour de fête, d'une voix superbement timbrée à la diction impeccable et dans son duo avec Don José. Dommage que le rôle fût si court. Judith Fa (Frasquita, soprano) et Séraphine Cotrez (Mercedes, mezzo-soprano) faisaient, chacune à sa manière, grosse impression dans l'irrésistible quintette de l'acte 2 et le trio de l'acte 3 (n°20), Mélons, coupons. Judith Fa m'avait déjà beaucoup plu dans le rôle d'Antigone dans Hémon de Zad Moultaka. Christophe Gay (Dancaïre, baryton) et Raphaël Brémard (Le Remendado, ténor) étaient aussi très convaincants par leur dynamisme, leur gouaille et leurs voix bien projetées. Anas Séguin (Moralès, baryton) ouvrait le spectacle et en présentait les protagonistes. Il remplit ce rôle avec une voix bien timbrée et beaucoup humour. Guilhem Worms (Zuniga, basse) avait fort belle allure dans son uniforme d'officier et donnait un superbe aperçu de ses qualités vocales dans ses interventions. Yanis Skouta (Lillas Pastia) avait un rôle parlé et bénéficiait de l'aura entourant la fameuse séguedille de Carmen.


Les parties chorales sont omniprésents tout au long de l'opéra. Le choeur de l'ONR (Dir. Alessandro Zuppardo) en firent une lecture dynamique et vivante. La maitrise d'enfants de l'ONR (Dir. Luciano Biblioni) fut impressionnante de beauté sonore et de justesse musicale dans la marche et choeur des gamins, un des plus beaux passages de l'oeuvre.


Des tubes increvables, beaucoup d'émotion et un magnifique spectacle à ne pas rater (4).


(1) Jean-François Sivadier, Posséder ou être possédé, Note d'intention, Programme, ONR, 2021.

(2) Camille Lienhard, Carmen par le prisme de la Habanera. Ibid, novembre 2021.

(3) Louis Geisler, L'étrangère devenue femme universelle. Ibid, novembre 2021.

(4)  Production de l'Opéra de Lille et du Théâtre de Caen reprise à l'Opéra National du Rhin en novembre 2021.