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samedi 27 septembre 2014

Pulcinella vendicato nel ritorno di Marechiaro

Pulcinella vendicato nel ritorno di Marechiaro, farsa per musica, a été composée par Giovanni Paisiello à une date inconnue sur un livret de Francesco Cerlone dont une première mouture remonte à 1765. Il est probable qu'en 1770, cette farce servit de quatrième acte à une comédie de Paisiello l'Osteria di Marechiaro (1768) ou celle du même nom (1768) de Giacomo Insanguine (1728-1795) (1,2). La partition originale se trouve à la bibliothèque du conservatoire de San Pietro a Majella de Naples.


Synopsis. L'action se passe à Torre del Greco, localité située au bord de la mer à 20 km de Naples et au pieds du Vésuve. Pulcinella tout heureux d'épouser Carmosina, lui chante une sérénade. La scène suivante se passe au marché où Carmosina tient un étal de poisson. Don Camillo et son serviteur Coviello s'intéressent à la jolie poissonnière et entreprennent de la séduire en lui promettant de rouler en carosse. Carmosina d'abord méfiante finit par accepter de devenir l'épouse de Don Camillo. Pendant ce temps, Pulcinella chante encore une sérénade et prépare, comme cadeau de noces, deux oignons et une gousse d'ail avec lesquels Carmosina pourra se parfumer. Alors qu'il se dirige vers sa fiancée, Coviello et Don Camillo lui annoncent que Carmosina ne lui appartient plus et qu'elle épousera Don Camillo. Pulcinella désespéré veut se jeter à la mer mais est sauvé à la dernière minute par Claudia qui a été séduite et abandonnée par Don Camillo. Tous deux entreprennent de jeter un filet à la mer et rapportent une étrange amphore qui contient un mage emprisonné. Les deux pécheurs délivrent le mage qui en compensation leur donne une baguette magique. Avec cette baguette ils pourront se venger. D'abord ils transportent Carmosina et Don Camillo au sommet du Vésuve où ces deux derniers peuvent assister gratis à une jolie éruption du volcan. Ensuite ils transforment Coviello en âne et le rouent de coups. Comme si cela ne suffisait pas, ils transforment Carmosina et Don Camillo en statues. Alors Coviello et Don Camillo renoncent à leur infâme projet, Carmosina retourne chez Pulcinella, Claudia chez Don Camillo et Coviello épouse Bianchina, une vendeuse de macaroni...

Tout cela n'a évidemment ni queue ni tête, mais on s'amuse bien ce qui est l'essentiel. De plus la musique est charmante comme on le verra plus loin. On remarque d'emblée que les deux couples principaux appartiennent à des milieux sociaux bien différents: Pulcinella et Carmosina sont d'origine très modeste et Don Camillo et Claudia appartiennent à la bourgeoisie. Les premiers s'expriment en dialecte napolitain tandis que les seconds parlent le toscan. On voit que l'ordre social traditionnel, mis à mal par les entreprises de Don Camillo, est restauré avec la fin heureuse.

Le style. Il est composite et baroque au sens littéral (1). L'emprunt à la commedia dell'arte est évident avec les personnages de Pulcinella, Coviello et de Carmosina. Les allusions à l'opéra seria sont multiples avec en particulier les scènes sur le Vésuve rappelant les scènes infernales contemporaines de Gluck. Les airs sont peu nombreux et très courts, par contre les ensembles sont nombreux: un duetto, trois terzettos et deux quartettos. La musique est d'une grande simplicité, mais toujours efficace. Dans les airs les emprunts à la musique populaire napolitaine sonr multiples et donnent à toute l'oeuvre un charme particulier. L'utilisation d'instruments traditionnels, guitare et colascione (3) dans les récitatifs secs et les airs est digne d'être mentionnée.

Les Sommets.
En l'absence de sinfonia, l'opéra s'ouvre par une sérénade chantée en duo par Pulcinella et Carmosina. Gioia de st'arma mia, cara nenella... en sol mineur 6/8. Deux couplets avec chaque fois un épisode lent dans le mode mineur suivi d'un épisode rapide dans le mode majeur. Cette chanson populaire napolitaine au rythme lancinant sera utilisée maintes fois dans le futur, par Paisiello (L'Osteria di Marechiaro), Domenico Cimarosa (L'Italiana in Londra) et Valentino Fioravanti (Le cantatrici villane).

scène 2 air de Carmosina Tengo Treglie rossolelle.... Sur fond des bruits du marché, Carmosina attire le chaland en énumérant les poissons et autres produits de la mer qu'elle a sur son étal. On est plongé dans une ambiance très couleur locale!

scène 4 Terzetto "Donzellette semplicette..." Claudia chante une charmante mélodie en marquant le rythme avec un tambour de basque et met en garde les jeunes filles naïves contre les entreprises des hommes. Deux musiciens de rue, Trafichino et Marioletta se joignent à elle.

scène 7 nouvelle sérénade de Pulcinella. Chi ha visto la moglierella... Avec une fleur aussi belle, je dis adieu au labeur, je veux me la couler douce, je veux me goinfrer...Tel est l'idéal de Polichinelle.

scène 11 Terzetto Mage, Pulcinella, Claudia. Dal cupo baratro... Le mage sort de l'amphore un pistolet à la main. Pulcinella est terrorisé. La musique de Paisiello a un son inimitable, alchimie sonore due au mélange du continuo, du hautbois et des cors!

scène 14 Quartetto Pulcinella, Carmosina, Don Camillo et Claudia. Uh che bamba... Point culminant au propre et au figuré car nous sommes au sommet du Vésuve. Scène infernale et désopilante comme seul Paisiello en est capable. "Pendant qu'ils brûlent, nous mangerons", dit Pulcinella (4).

Voilà un petit opéra doté d'un livret divertissant et d'une musique inspirée. C'est un exemple magnifique de l'opéra bouffe napolitain du 18ème siècle. Un article passionnant lui est consacré (5).

(1) Alessandro Lattanzi, Notice de Pulcinella vendicato, Tesori di Napoli, vol XIV, OPUS 111, 2002. Auteur de l'édition critique de l'opéra utilisée par Antonio Florio.
(2) Michele Scherillo, L'Opera buffa Napoletana durante il settecento, R.Sandron Ed., Milano 1916, pp. 309-11. Merci à Emmanuelle Pesqué de m'avoir communiqué cette référence d'un livre dont la lecture est un plaisir.
(3) Colascione, instrument semblable au luth utilisé dans la musique traditionnelle du sud de l'Italie, principalement dans la commedia dell'arte. http://www.youtube.com/watch?v=ZJFMHcnA9MA
(4) Pulcinella est obsédé par la nourriture.
(5) http://www.saladelcembalo.org/histories/lesfees3.html
(6) Une version sans récitatifs secs est visible sur You Tube. J'ai le CD complet de la Cappella de'Turchini dirigée par Antonio Florio avec Giuseppe de Vittorio dans le rôle titre. Un enregistrement magnifique malheureusement épuisé.

samedi 20 septembre 2014

La Terre Mourante (The Dying Earth) par Jack Vance

 Structure .
Ce roman comporte 4 volets :
Un Monde Magique (The Dying Earth), un prologue, publié en 1950.
Cugel l'astucieux (The eyes of the overworld), six nouvelles, publiées en 1965.
Cugel saga (Cugel saga), onze nouvelles, publiées en 1983.
Rhialto le Merveilleux (Rhialto the marvelous), l'épilogue de cette saga, publié en 1985.

Le décor
Il est décrit dans le premier volet et précisé dans les trois suivants. Dans un avenir incommensurablement lointain, le soleil, en voie d'extinction, diffuse une lumière rouge crépusculaire. Chaque soir, il se traine sur l'horizon comme un vieillard vers son lit de mort. La science a disparu et a été remplacée par la magie. Cette dernière qui fut florissante aux dix septième éon, est manipulée avec maladresse et circonspection au vingt et unième éon par des magiciens qui ne comprennent plus ce qu'ils font. Dans un monde sans technologie, les voies de communications ont disparu ainsi que les moyens de transport, les habitants se sont repliés sur eux-mêmes pour former des communautés de plus en plus éloignées les unes des autres et de plus en plus différenciées. Un inquiétant bestiaire hante les espaces déserts.

Les personnages.
Cugel est le personnage titre des volets 2 et 3. Armé de sa seule épée, il arpente du nord au sud (et involontairement du sud au nord) une vaste contrée. Ce n'est pas toutefois le héros typique de l'Heroic Fantasy (1), il ne cherche pas à délivrer une belle princesse dans un donjon ni se mettre au service d'une noble cause. Il tente tout simplement de rentrer chez lui, et de survivre dans un monde effrayant et extrêmement dangereux. Pour cela tous les moyens sont bons : il ment, il trahit et il vole. Totalement amoral, il n'a ni foi ni loi. Il n'a aucun égard pour les femmes qui le lui rendent bien.

Le bestiaire.
Une faune inquiétante pullule : goules, déodandes, pelgranes,... parmi eux, semble-t-il, des hybrides d'humains avec d'autres espèces (reptiles, guêpes, rats...). Avides de chair humaine, ces monstres inspirent une terreur panique à qui les trouve sur son chemin. Leur origine est mystérieuse : manipulations génétiques, erreurs de magiciens jouant les apprentis sorciers, extraterrestres ? Des êtres mystérieux : démons, démiurges..., détenteurs jadis d'une formidable puissance mais déchus au moment où se déroule l'action, sont évoqués, toutefois ils n'apparaissent jamais physiquement...

Les magiciens.
Décrits principalement dans le dernier volet de la série, Rhialto le merveilleux. Leur apogée se situe vers le 17ème éon. Leur puissance est alors incommensurable, maîtres de l'espace et du temps, ils inventent des machines (antigravitationnelles ?) qui leur permettent de conquérir l'univers...Ce savoir est progressivement oublié et les magiciens des derniers temps comme Rhialto sont de pâles répliques de leurs glorieux ancêtres. Ils se contentent de rabâcher des recettes dépourvues de substance. Iucounu, le magicien rieur, avec qui Cugel aura fort à faire, a plus de personnalité et aspire à retrouver la grandeur de ses prédécesseurs. Dans un effort ultime de s'approprier le pouvoir des anciens dieux, il échoue lamentablement.

Le style.
Jack Vance (1916-2013) est un écrivain éclectique, il a abordé plusieurs genres littéraires : science-fiction, héroïc fantasy (1), roman policier. On retrouve dans tous ses écrits, sous-tendus par une vaste culture, les mêmes qualités : concision, clarté, imagination, un ton détaché et distancié et un humour discret (2). Il évite un défaut courant dans la littérature fantastique, une outrance qui rend les situations et les personnages invraisemblables. Ici l'irruption du surnaturel est mesurée, parfois explicable rationnellement ou par le biais de connaissances non révélées au lecteur. Le fantastique est également enrobé d'une aura poétique qui le rend concevable. De ce fait, les personnages et les situations sont crédibles et on peut sans difficulté s'identifier à eux. Le ton général est sceptique et désabusé. N'attendez pas de conclusions flamboyantes typiques de l'Heroic Fantasy, les chutes sont généralement inattendues et surprenantes.


  1. Heroic Fantasy. Ce genre décrit un futur ou un passé lointains sur terre ou un monde imaginaire en y introduisant une dimension  surnaturelle. Les grands mythes de l'humanité, voire des concepts philosophiques, y sont explorés. L'anneau des Nibelungen de Richard Wagner en est l'exemple le plus glorieux. Plus tard Le Seigneur des anneaux de J.R. Tolkien explore les mêmes pistes. Voir également: http://fr.wikipedia.org/wiki/Heroic_fantasy
  2. Dans La Terre Mourante, on trouve la plupart des thèmes Vanciens nonobstant la religion et la politique. Pour en savoir plus sur ces deux derniers thèmes chers à l'auteur, il faut lire La geste des Princes Démons, série de cinq romans où ces idées sont développées de façon subtile et inattendue (3).
  3. https://piero1809.blogspot.com/2014/12/la-geste-des-princes-demons.html