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mardi 14 juin 2022

Aminta e Fillide de Haendel

 

© Photo Frank Stefan Kimmel. George Petrou

Aminta e Fillide HWV 83 - Internationale Händel Festpiele Göttingen

Trois œuvres étaient inscrites au programme du Festival International Haendel de Göttingen pendant le week-end du 12 au 14 mai 2022, Aminta e Fillide HWV 83, Giulio Cesare in Egitto HWV 17 et Belshazzar HWV 61, dignes représentants des principaux genres musicaux que Georg Friedrich Haendel (1685-1759) aborda au cours de sa carrière. En effet, plus d'une centaine de cantates furent composées durant le séjour du Saxon dans la péninsule de 1706 à 1710, une cinquantaine d'opéras italiens virent le jour en Angleterre jusqu'en 1740 et les grands oratorios anglais naquirent dans la troisième partie de sa carrière et jusqu'en 1752. En fait ce programme a montré que la frontière entre ces différents genres musicaux était loin d'être étanche, que des idées communes circulaient entre eux et que les échanges furent nombreux et féconds.

Le programme du premier concert s'ouvrait par quatre concertos de Haendel. Les quatre oeuvres choisies ce jeudi 12 mai par le FestspielOrchester Göttingen sous la direction de George Petrou, font partie de l'opus 3, ensemble de six concertos publiés en 1734 mais écrits bien avant cette date sous la dénomination inexacte de concerti grossi. A la différence des douze concerti grossi de l'opus 6, ils n'opposent pas les tutti avec un concertino d'instruments solistes. En outre ce sont des œuvres isolées composées au gré des circonstances et de coupe très variée.


© Photo Frank Stefan Kimmel. FestpielOrchester Göttingen

Le concerto n° 1 en si bémol majeur HWV 312 qui ouvrait le concert, est probablement le premier concerto orchestral de Haendel. Il fut composé en 1710 au retour du voyage en Italie pour la cour de Hanovre et possède la coupe de la sinfonia à l'italienne en trois mouvements dont deux rapides encadrant un largo pathétique dans lequel la flûte, le hautbois et le basson dialoguent avec le premier violon. Le premier mouvement fait la part belle à de nombreux bariolages très italiens du remarquable violon solo de l'orchestre du festival et le troisième en sol mineur est une brève gavotte.

Très différent, le concerton° 4 en fa HWV 315 fut composé peut-être en 1716 pour servir de portique ou d'interlude à l'opéra Amadigi. Il est construit selon le modèle de la suite. Il débute avec une ouverture à la française comportant un andante aux rythmes pointés et un alerte fugato. Suivent un andante dansant au rythme ternaire, un allegro en mineur agrémenté par un brillant solo de violon et les deux menuets habituels. Dans le menuet II, la mélodie était confiée à l'excellent violoncelliste solo de l'orchestre. L'alliance de ce dernier avec un superbe basson produisait le plus bel effet.

Le concerto n° 2 en si bémol majeur HWV 313, le plus développé des quatre, fut composé probablement en 1719. Très spectaculaire, il s'ouvre par un Vivace dévolu constamment au violon solo et au hautbois avec des bariolages très virtuoses et des rythmes lombards. Le sombre largo en sol mineur donne la primauté à deux violoncelles solistes puis au hautbois avec un beau thème qui se grave immédiatement dans la tête. Suit une fugue solennelle Allegro et deux mouvements dansants dont un menuet et une élégante gavotte.

Le concerto n° 5 en ré mineur HWV 316 date des années 1717 ou 1718. Il fut joué en guise d'introduction aux Anthems que Haendel composa pour le duc de Chandos alors qu'il résidait à Cannons. Il s'ouvre par un adagio très dramatique, se continue par une fugue à deux sujets au contrepoint serré et dense. L'adagio qui suit, contient un solo très expressif que le hautboïste de l'orchestre jouait superlativement. Après un nouveau fugato alla Arcangelo Corelli (1653-1713) se terminant par un puissant crescendo, l'allegro final dansant qui pourrait s'appeler Réjouissance à la manière des finales de nombreuses suites de Georg Philipp Telemann (1681-1767), s'achève par un brillant unisson de tout l'orchestre.


© Photo Frank Stefan Kimmel. Myrsini Margariti et Bruno de Sa

La cantate Aminta e Fillide HWV 83 débutait lors de ce concert par les mots Arresta il passo; il s'agissait en fait de la deuxième moûture, exécutée en 1708 chez le marquis Francesco Maria Ruspoli (1672-1731), d'une précédente oeuvre plus courte composée en 1707, voire fin 1706 et commençant par l'aria de Fillide, Fiamma bella, c'est pourquoi on trouve parfois ce dernier incipit comme titre de l'oeuvre. C'est la version longue comportant vingt deux numéros et d'une durée d'environ une heure qui fut donnée en ce 11 mai 2022. Le terme de cantate est un peu réducteur pour désigner une vaste et ambitieuse composition qui mériterait celui d'opéra de chambre ou d'intermezzo, compte tenu de ses proportions généreuses et de la vigueur de son action dramatique. Incidemment cette cantate a été exécutée en 1708 lors de la première réunion de l'Académie d'Arcadie qu'hébergeait le marquis Ruspoli.

L'amateur de Haendel ne sera pas dépaysé lors de la première écoute et se trouvera même en terrain familier puisque cette cantate est citée plus de trente fois dans les œuvres ultérieures du Saxon. Par exemple l'ouverture à la française par laquelle débute l'oeuvre, sera réemployée dans Rinaldo, le premier air de Fillide, Fiamma bella, sera utilisé à peine modifié par Agrippina, rôle titre de l'opéra homonyme composé à Rome en 1710. Cette valse assez étonnante (oui..., c'est une valse!) était chantée avec un dynamisme formidable par la soprano Myrsini Margariti. Le troisième aria d'Aminta, Se vago rio, sera repris légèrement modifié dans l'air des sirènes de Rinaldo composé à Londres en 1711. Rien que pour cette troublante et mystérieuse sicilienne qui évoque à la fois une ballade irlandaise et un chant populaire napolitain, cette cantate mériterait d'être découverte. On notera que le texte de cet aria di paragone est basé sur une métaphore à rebours: tandis que le joli ruisseau, malgré les embûches de son parcours, gagne à la fin l'océan pour se reposer, les yeux en pleurs de l'amoureux ne trouvent pas un cœur aimant pour adoucir sa peine. Le sopraniste Bruno de Sá en donna une interprétation d'une grande sensibilité. On retrouvera l'aria de Fillide, Non si puo dar un cor, avec d'autres paroles dans Giulio Cesare.

Le duetto spectaculaire qui termine la cantate se retrouve également dans des œuvres ultérieures de Haendel. A Bruno de Sá était dévolue la voix supérieure de soprano colorature et à Myrsini Margariti un splendide contrechant plus grave. Quelquefois les rôles étaient inversés. Ce duetto terminait ce coup d'essai d'un jeune homme de vingt deux ans, en coup de maître. Haendel gardera une affection particulière pour cette ravissante œuvre de jeunesse et y puisera son inspiration durant toute sa carrière et jusqu'à Belshazzar et The triumph of Time and Truth au soir de sa vie.


Que dire de Bruno de Sá sinon témoigner son émerveillement pour sa tessiture tellement rare de sopraniste. En plus il prend tous les risques et gratifie le public de suraigus époustouflants émis avec une intonation parfaite. Je n'avais jamais entendu une voix d'homme aussi aigüe de ma vie. En outre cet artiste ne sacrifie jamais le chant à la virtuosité pure comme le montre son exécution sensible et musicale de Se vago rio.

Ne connaissant pas préalablement Myrsini Margariti, j'ai découvert une soprano à la voix pleinement épanouie dans tous les registres de sa vaste tessiture. La superbe projection de sa voix, la souple et harmonieuse ligne de chant, un merveilleux medium lui permirent de séduire et d'émouvoir à la fois l'assistance.

Par leur engagement et leur dynamisme, les deux artistes ont subjugué les auditeurs notamment dans leur extraordinaire duetto final qui fut bissé. Le public ravi fit un accueil enthousiaste aux chanteurs, à l'orchestre et au chef George Petrou, ordonnateur éclairé de cette brillante festa musicale.



Détails


Date : jeudi 12 mai 2022

Lieu : Aula der Universität – Internationale Händel Festpiele Göttingen


Programme

Georg Friedrich Händel (1685-1759)

Concerto n° 1 B-Dur HWV 312

Concerto n°4 F-Dur HWV 315

Concerto n°2 B-Dur HWV 313

Concerto n°5 d-Moll HWV 316

Aminta e Fillide (Aminte et Phyllis), HWV 83, cantate composée en 1707-8 sous les auspices du marquis Francesco Maria Ruspoli.


Distribution

Bruno de Sá, Soprano

Myrsini Margariti, Soprano

George Petrou, Clavecin et direction musicale

FestpielOrchester Göttingen

Elizabeth Blumenstock (Koncertmeisterin), Sara DeCorso, Anne Schumann, Milos Valent, Henning Vater, Violons I

Christoph Timpe (Stimmführer-Principal), Catherine Aglibut, Barbara Altobello, Aniela Eddy, Dasa Valentova, Violons II

Klaus Bundies (Stimmführer-Principal), Gregor DuBuclet, Aimée Versloot, Viola

Phoebe Carrai (Stimmführer-Principal), Markus Möllenbeck, Kathrin Sutor, Violoncello

Paolo Zuccheri (Stimmführer-Principal), Mauro Zavagno, Contrebasse

Kristin Linde, Flûte à bec

Kate Clarke, Flûte traversière

Dimitrios Vamvas, Kristin Linde, Hautbois

Rhoda Patrick, Nathaniel Harrison, Basson

Theodoros Kitsos, Théorbe

Hanneke van Proosdij, Clavecin



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