Pulcinella
vendicato
nel ritorno di Marechiaro,
farsa per musica, a été composée par Giovanni
Paisiello
à une date inconnue sur un livret de Francesco Cerlone dont une
première mouture remonte à 1765. Il est probable qu'en 1770, cette
farce servit de quatrième acte à une comédie de Paisiello
l'Osteria
di Marechiaro
(1768) ou celle du même nom (1768) de Giacomo Insanguine (1728-1795)
(1,2). La partition originale se trouve à la bibliothèque du
conservatoire de San Pietro a Majella de Naples.
Synopsis.
L'action se passe à Torre del Greco, localité située au bord de la
mer à 20 km de Naples et au pieds du Vésuve. Pulcinella tout
heureux d'épouser Carmosina, lui chante une sérénade. La scène
suivante se passe au marché où Carmosina tient un étal de poisson.
Don Camillo et son serviteur Coviello s'intéressent à la jolie
poissonnière et entreprennent de la séduire en lui promettant de
rouler en carosse. Carmosina d'abord méfiante finit par accepter de
devenir l'épouse de Don Camillo. Pendant ce temps, Pulcinella chante
encore une sérénade et prépare, comme cadeau de noces, deux
oignons et une gousse d'ail avec lesquels Carmosina pourra se
parfumer. Alors qu'il se dirige vers sa fiancée, Coviello et Don Camillo lui annoncent que
Carmosina ne lui appartient plus et qu'elle épousera Don Camillo.
Pulcinella désespéré veut se jeter à la mer mais est sauvé à la
dernière minute par Claudia qui a été séduite et abandonnée par
Don Camillo. Tous deux entreprennent de jeter un filet à la mer et
rapportent une étrange amphore qui contient un mage emprisonné. Les
deux pécheurs délivrent le mage qui en compensation leur donne une
baguette magique. Avec cette baguette ils pourront se venger. D'abord
ils transportent Carmosina et Don Camillo au sommet du Vésuve où
ces deux derniers peuvent assister gratis à une jolie éruption du
volcan. Ensuite ils transforment Coviello en âne et le rouent de
coups. Comme si cela ne suffisait pas, ils transforment Carmosina et Don Camillo en statues. Alors Coviello et Don
Camillo renoncent à leur infâme projet, Carmosina retourne chez
Pulcinella, Claudia chez Don Camillo et Coviello épouse Bianchina,
une vendeuse de macaroni...
Tout
cela n'a évidemment ni queue ni tête, mais on s'amuse bien ce qui
est l'essentiel. De plus la musique est charmante comme on le verra
plus loin. On remarque d'emblée que les deux couples principaux
appartiennent à des milieux sociaux bien différents: Pulcinella et
Carmosina sont d'origine très modeste et Don Camillo et Claudia
appartiennent à la bourgeoisie. Les premiers s'expriment en
dialecte napolitain tandis que les seconds parlent le toscan. On voit
que l'ordre social traditionnel, mis à mal par les entreprises de
Don Camillo, est restauré avec la fin heureuse.
Le
style.
Il est composite et baroque au sens littéral (1). L'emprunt à la
commedia dell'arte est évident avec les personnages de Pulcinella,
Coviello et de Carmosina. Les allusions à l'opéra seria sont
multiples avec en particulier les scènes sur le Vésuve rappelant
les scènes infernales contemporaines de Gluck. Les airs sont peu
nombreux et très courts, par contre les ensembles sont nombreux: un
duetto, trois terzettos et deux quartettos. La musique est d'une
grande simplicité, mais toujours efficace. Dans les airs les
emprunts à la musique populaire napolitaine sonr multiples et
donnent à toute l'oeuvre un charme particulier. L'utilisation
d'instruments traditionnels, guitare et colascione (3) dans les
récitatifs secs et les airs est digne d'être mentionnée.
Les
Sommets.
En
l'absence de sinfonia, l'opéra s'ouvre par une sérénade chantée
en duo par Pulcinella et Carmosina. Gioia
de st'arma mia, cara nenella... en sol mineur 6/8. Deux couplets avec chaque fois un épisode lent
dans le mode mineur suivi d'un épisode rapide dans le mode majeur.
Cette chanson populaire napolitaine au rythme lancinant sera utilisée
maintes fois dans le futur, par Paisiello (L'Osteria di Marechiaro), Domenico Cimarosa (L'Italiana in Londra) et Valentino Fioravanti (Le cantatrici
villane).
scène
2 air de Carmosina Tengo
Treglie rossolelle....
Sur fond des bruits du marché, Carmosina attire le chaland en
énumérant les poissons et autres produits de la mer qu'elle a sur
son étal. On est plongé dans une ambiance très couleur locale!
scène
4 Terzetto "Donzellette
semplicette..."
Claudia chante une charmante mélodie en marquant le rythme avec un
tambour de basque et met en garde les jeunes filles naïves contre
les entreprises des hommes. Deux musiciens de rue, Trafichino et
Marioletta se joignent à elle.
scène
7 nouvelle sérénade de Pulcinella. Chi
ha visto la moglierella... Avec une fleur aussi belle, je dis adieu au labeur, je veux me la
couler douce, je veux me goinfrer...Tel est l'idéal de Polichinelle.
scène
11 Terzetto Mage, Pulcinella, Claudia. Dal
cupo baratro... Le mage sort de l'amphore un pistolet à la main. Pulcinella est
terrorisé. La musique de Paisiello a un son inimitable, alchimie
sonore due au mélange du continuo, du hautbois et des cors!
scène
14 Quartetto Pulcinella, Carmosina, Don Camillo et Claudia. Uh
che bamba... Point culminant au propre et au figuré car nous sommes au sommet du
Vésuve. Scène infernale et désopilante comme seul Paisiello en est
capable. "Pendant qu'ils brûlent, nous mangerons", dit
Pulcinella (4).
Voilà
un petit opéra doté d'un livret divertissant et d'une musique inspirée. C'est un exemple magnifique de l'opéra bouffe napolitain du 18ème siècle. Un article passionnant lui est consacré (5).
(1)
Alessandro Lattanzi, Notice de Pulcinella vendicato, Tesori di
Napoli, vol XIV, OPUS 111, 2002. Auteur de l'édition critique de
l'opéra utilisée par Antonio Florio.
(2)
Michele Scherillo, L'Opera buffa Napoletana durante il settecento,
R.Sandron Ed., Milano 1916, pp. 309-11. Merci à Emmanuelle Pesqué
de m'avoir communiqué cette référence d'un livre dont la lecture
est un plaisir.
(3)
Colascione, instrument semblable au luth utilisé dans la musique
traditionnelle du sud de l'Italie, principalement dans la commedia
dell'arte. http://www.youtube.com/watch?v=ZJFMHcnA9MA
(4)
Pulcinella est obsédé par la nourriture.
(5) http://www.saladelcembalo.org/histories/lesfees3.html
(6) Une version sans récitatifs secs est visible sur You Tube. J'ai le CD complet de la Cappella de'Turchini dirigée par Antonio Florio avec Giuseppe de Vittorio dans le rôle titre. Un enregistrement magnifique malheureusement épuisé.
Votre billet donne envie d'écouter l'oeuvre. Dommage que le CD soit désormais indisponible...
RépondreSupprimerLe CD n'est plus disponible mais on peut écouter cet enregistrement intégralement (avec les récitatifs cette fois) dans un médium bien connu d'hébergement de videos.
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