Naples. Jardin du cloître de Santa Chiara |
L'influence
du chant traditionnel napolitain sur l'opéra bouffe napolitain du 18ème siècle
(Giovanni Batista Pergolèse, Nicolà Piccinni, Giovanni Paisiello,
Domenico Cimarosa ...) est souvent mentionnée. Il m'a semblé
intéressant de faire un modeste exposé sur la chanson napolitaine,
basé essentiellement sur l'écoute d'environ 300 chants. Le lecteur
qui veut en savoir plus sur le sujet peut consulter l'article de
Secondulfo et Secondulfo (en italien) La Canzone Napoletana dai
Cantastorie ad Oggi (La chanson napolitaine des chanteurs ambulants
jusqu'à aujourd'hui) (1). Les textes des chansons citées plus bas
peuvent être lus dans la langue régionale d'origine (2).
Ce
texte comporte cinq parties:
1.
Des
origines au milieu du 19ème siècle.
2.
L'âge d'or (1880-1914)
3.
L'entre-deux guerres.
4.
Les temps modernes (de 1945 à nos jours).
5.
Discographie.
1.
Des origines au milieu du 19ème siècle.
A
l'origine, le chant traditionnel napolitain dont les textes étaient
des récits épiques, était transmis oralement par les chanteurs
ambulants (cantastorie).
De ce fait les chants anciens sont très difficiles à dater d'autant
plus qu'ils peuvent réapparaitre plusieurs décennies plus tard avec
des paroles ou des harmonisations différentes. Parallèllement la
villanelle,
genre plus populaire, se développe sous forme de petites
compositions à plusieurs voix de forme strophique.
Une
des plus anciennes chanson napolitaine qui nous soit parvenue Jesce
sole (lève toi soleil) serait datée autour de 1200. Au 16ème
siècle, le peintre-poète Salvator Rosa a écrit les paroles et la
musique de Michelemma où il est question d'une jeune femme
(Michela mia) née au milieu de la mer pendant une attaque de
pirates.
Du
17ème ou du 18ème siècle datent une série de magnifiques
sérénades anonymes ayant la fenêtre comme point commun: Fenesta
cu a nova gelosia (fenêtre avec une nouvelle jalousie), Fenesta
vascia (fenêtre basse) et l'inoubliable Fenesta ca lucive
(fenêtre qui luit) qui peut-être inspira Vincenzo Bellini dans la
Somnambule.
Un
autre chant célèbre:Lu Guarracino, dont les 19 strophes
décrivent les amours d'un guarracino (poisson de la baie de Naples)
et d'une sardine ainsi que les péripéties agitées de cette union,
dans un vocabulaire ichtyologique réjouissant, date du milieu du
18ème siècle.
L'admirable
Serenate de Pulecenelle, composée par Giovanni Paisiello, figure
dans ses opéras "Pulcinella vendicato" et "l'Osteria
di Marechiaro" (au plus tard 1770) ainsi que dans "l'Italiana
in Londra" de Domenico Cimarosa (1779).
I'
te voglio bene assaje... (je t'aime passionnément) est composé en 1837, le texte est de Raffaele Sacco et la musique attribuée à
Donizetti; de la même époque date Lu cardillo (Le
chardonneret). Ces deux très beaux chants sont assez ironiques,
surtout le second qui décrit un individu plutôt voyeur élèvant un
chardonneret pour espionner sa belle. Les musiques de ces deux chants
se gravent immédiatement dans la mémoire.
Quelques
années plus tard seront composées 3 chants emblématiques: Santa
Lucia (T. Cottrau, 1856), O Sole mio (G.Capurro, E. di
Capua) et Funiculi funicula (P.Turco, L.Denza, 1880) qui
feront le tour du monde.
2.
L'age d'or (1880-1914)
Parmi
les facteurs qui stimulèrent la création artistique, signalons
l'intervention de poètes talentueux parmi les meilleurs de la
péninsule et de bons musiciens. De façon très marginale mais
hautement significative, Gabriele D'Annunzio (1863-1938) signa avec
F.P.Tosti un chef d'oeuvre miniature A
vuchella
(la petite bouche, 1907). D'autre part le poète et écrivain
Salvatore di Giacomo (1860-1934) réalisa une oeuvre immense
comprenant plus de 500 textes de chansons. Dans cette entreprise il
collabora avec de nombreux musiciens dont P.M. Costa avec qui il
signa de véritables merveilles: Era
de maggio
(C'était au mois de mai, 1885), La
luna nova
(1887), Serenata
napulitana
(1897), Marechiaro
(petit port de pêche voisin de Naples, 1894). Dans 'E
spingule francese
(les épingles à nourrice) (S. Di Giacomo, E. De Leva, 1888), un
marchand ambulant propose, à la cliente qui l'accueille, ses
épingles pour trois à quatre baisers.... On notera la parenté
spirituelle unissant Era
de maggio
avec la chanson française, Le
Temps des cerises
à peu près contemporaine (1869) ainsi que la magnifique mélodie de
La
luna nova.
Dans ces oeuvres le caractère populaire cède le pas à un genre
plus sophistiqué se rapprochant de la mélodie classique ou du Lied
avec accompagnement de piano ou guitare.
On
peut retrouver une veine plus populaire dans le café chantant très
prisé par les napolitains au début du 20ème siècle. Lily Kangy
(Capurro, S. Gambardella, 1905), Nini Tirabuscio (A. Califano,
S. Gambardella, 1906) en sont d'amusants exemples. Ces textes mettent
en scène la figure de la "sciantose", équivalent
napolitain de la chanteuse des Folies Bergère ou du Moulin Rouge.
Une même inspiration légère et spirituelle circule dans la chanson
Comme facette mammeta (Comment fit ta mère) (G. Capaldo, S.
Gambardella, 1906).
Dans
le même temps le couple Vincenzo Russo et E. di Capua publieront
quelques réalisations remarquables: I'
te vurria vasa
(Je voudrais t'embrasser, 1900), Maria
Mari
(1900) et Rosa!
che belli rrose.
Les textes et musiques de R. Gualdieri et G. Spagnuolo sont également
célèbres. Leur chef-d'oeuvre est peut-être Rundinella
(l'hirondelle), une très belle et émouvante chanson.
E
torna rundinella...torna a stu nido mo ch'è primmavera...
Elle
revient l'hirondelle...et retrouve son nid maintenant que voilà le
printemps…
Enfin,
"Core
'ngrato"
(Coeur ingrat) (Cardillo, Cordiferro, 1911) fit rapidement le tour du
monde grâce à Enrico Caruso qui en fut l'interprète inspiré.
(Suite et fin la semaine prochaine)
- http://www.sorrentoradio.com/prova/testinapoli/canzoni.htm
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