Copie de l'affiche pour la première italienne de La rondins de Puccini |
La
Rondine
(L’hirondelle) est une Comédie Lyrique composée par Giacomo
Puccini
sur un livret de Giuseppe Adami. Cette oeuvre fut créée à l'Opéra de Monte
Carlo, territoire neutre dans le premier conflit mondial, le 27 mars
1917 où elle obtint seulement un succès d'estime, peut-être du fait
du temps de guerre. Par la suite cet opéra fut boudé par le
public; c'est l'un des moins joués parmi les opéras du
compositeur.
L'argument. Magda, demi-mondaine entretenue par Rambaldo confie au poète
Prunier qu'elle n'a jamais connu le véritable amour. Ruggero, un
étudiant fait son apparition et demande à la compagnie où peut-on
s'amuser à Paris. On lui répond: le bal chez Bullier. Prunier décide d'emmener discrètement Lisette, la bonne de Magda,
au bal. Magda se déguise pour aller également chez Bullier. Elle y
rencontre Ruggero et danse avec lui. Ils tombent amoureux l’un de
l’autre. Lisette qui a reconnu sa maitresse est très ennuyée car
elle a "emprunté" une robe et des bijoux de Magda.
Rambaldo, furieux, demande des explications à Magda qui lui répond
qu'elle a trouvé l'amour et qu'elle a décidé de le quitter. Magda et Ruggero vivent ensemble dans la pauvreté. Lisette
et Prunier viennent leur rendre visite et Lisette qui a échoué dans
sa tentative de devenir actrice, supplie Magda de la reprendre à son
service. La mère de Ruggero dans une lettre touchante accepte Magda
comme belle-fille et bénit cette union mais Magda déclare à
Ruggero que son passé lui interdit de passer sa vie avec un honnête
homme. Elle quitte Ruggero et, comme l'hirondelle, retourne dans son
nid.
Le
Style.
Cette intrigue typiquement Second Empire n’est pas mal ficelée et
a le mérite de proposer quelques moments dramatiques forts, des
situations comiques, des dialogues spirituels et quelque peu
cyniques. Puccini, éternel insatisfait, se mit à douter de sa
création et proposa en 1921 et 1923 des conclusions alternatives (dans l'une des deux c'est Ruggero, prévenu par un ami du passé de
son amante qui quitte Magda) sans convaincre. De nos jours c'est la
version initiale qui est le plus souvent donnée et c'est très bien
ainsi car il n'y a rien à redire sur cette conclusion à la fois
sobre et émouvante comparable à celle de La
Fanciulla del West.
La
Rondine
est un opéra relativement peu joué y compris de nos jours. Certains
critiques considèrent que c'est l'un des moins bons opéras de
Puccini, une œuvre transparente, en rien comparable aux grands
opéras que sont Tosca, La Bohème ou Madame Butterfly. Les
spectateurs eux furent déroutés par un opéra qui ne comporte aucun
grand air ou duetto permettant de faire briller les chanteurs et qui
en plus dispense un continuum mélodique sans découpe claire des
scènes. C'est
le plus classique des opéras de Puccini et en même temps le plus
moderne. Il est, en tout état de cause, le plus harmonieux du fait d'une
orchestration raffinée au service d'un charme mélodique
exceptionnel, même chez Puccini. Comme dans La Fanciulla del West,
des influences Debussystes sont indéniables, la comparaison avec le
Chevalier à la Rose composé par Richard Strauss en 1910 a également
du sens. Les livrets n'ont rien à voir bien sûr mais un même
esprit suranné et décadent règne dans la musique des deux
ouvrages. L'orchestre de La Rondine est imposant (2), il joue la
plupart du temps piano voire pianissimo et l’effectif complet est
rarement utilisé sauf dans l'acte II. Comme dans Der
Rosenkavalier,
les rythmes de valse parcourent l'opéra. Une atmosphère nostalgique
imprègne le récit qui ne se termine pas par une happy
end,
loin de là puisque Magda renonce à l’amour et laisse Ruggero
désespéré (2).
Les
Sommets.
Acte I
Une réception chez Magda.
Au
debut de l’acte, Prunier et Magda, à tour de rôle, entonnent
l’air Chi
il bel sogno di Doretta…une
musique d’un charme indicible, une mélodie d’une étonnante
pureté et simplicité, une orchestre subtil : violons avec sourdine,
clarinettes, clarinette basse, harpe, piano et célesta, concourent à
créer un moment musical raffiné. Le poète Prunier conte l'histoire
de Doretta et Magda s'identifie à cette jeune fille en quête
d'amour véritable. Cette mélodie parcourt tout le premier acte.
Après
un dialogue Bianca et Magda aux sonorités Debussystes, Magda chante
une séduisante mélodie probablement inspirée d’une chanson
populaire: Fanciulla
è sbocciato l’amore…Là
encore un orchestre d’une grande délicatesse dans lequel
intervient la clarinette basse, donne à cette scène un charme
pénétrant. Un accord du célesta termine la scène de façon
mystérieuse.
La
dernière scène est un duetto Lisette Prunier. T’amo,
menti, no tu sapessi.
Le poète traite la soubrette avec condescendance mais cette dernière
ne s'en laisse pas conter, scène pleine d'humour contrastant avec
l'étrange mélopée chantée par les clarinettes et les bassons et
répétée par les deux amants.
Magda
décide de tenter sa chance au bal Bullier tandis que l'orchestre
reprend pianissimo le thème de Doretta, conclusion d'une troublante poésie. Chez Puccini (Tosca, La Bohème, Turandot, Butterfly...),
l'acte I est toujours le plus novateur et le plus riche et c'est le
cas ici aussi.
Acte II
Le bal chez Bullier.
Comme
dans l'acte II de La Bohème, une frénésie, une joie de vivre, une
ivresse parcourent cette scène de bal qui est une réussite éclatante.
Le
premier duetto Magda Ruggero Nella
dolce carezza,
est très beau et me fait furieusement penser à certains passages de
la Nina
ossia la Pazza per Amore
de Giovanni Paisiello composée en 1789.
Le
quartetto Lisette Prunier Magda Ruggero Dio!
Lei! Chi?
est très amusant. Lisette a reconnu Magda déguisée en grisette et
est très génée de porter les effets et le chapeau de sa patronne.
Le
second duetto Magda Ruggero Bevo
al tuo fresco sorriso
avec choeurs est admirable avec ses harmonies subtiles et ses
modulations. C'est au point de vue de la dynamique sonore le point
culminant de l'opéra. L'orchestre, le choeur et les voix solistes
s'entrelacent dans un tour de force vocal et instrumental.
Acte
III. La rupture.
Après
un prélude impressioniste, le Duetto Magda Ruggero Amore
mio Mia Madre
est très émouvant. Ici encore la beauté de l’orchestration
laisse pantois.
La
scène de rupture est le sommet passionnel de l'oeuvre, No!
Non posso riceverlo!, (Je ne peux pas recevoir le baiser
de ta mère)
Magda avoue à Ruggero qu'elle n'est pas digne de lui et le duetto
des deux amants atteint une puissance expressive telle qu'on pense un
instant à Wagner. Ce passage est malheureusement trop bref. Puccini
rêvait pour ses opéras d'une scène d'amour
comparable à celles de Tristan et Isolde et il espéra que
l'occasion se manifesterait dans la conclusion de Turandot.
Malheureusement ce travail échut à Franco Alfano avec le résultat
que l'on sait.
La
fin de l'opéra, la voix de Magda résonnant au loin sur un triple
pianissimo des cordes en sourdine, est poignante (3).
(1) Dédicace que Puccini envoie à Toscanini.
(2) Composition
de l'orchestre : le
quintette à cordes, une flûte piccolo, deux flûtes, deux
hautbois, un cor anglais, deux clarinettes en si bémol, une
clarinette basse (ou un cor de basset) en si bémol, deux bassons,
quatre cors en fa, trois trompettes, trois trombones, un trombone
basse, harpe, célesta, glockenspiel, piano, timbales, grosse
caisse, cymbales, triangle, tambour.(3) On lira avec intérêt l'article suivant: La Rondine o del disincanto Centro Studi Giacomo Puccini http://www.puccini.it/index.php?id=65
(4) Le Jardin des critiques de Radio France du 2 juin 2013, après examen de 7 versions, conclut à la suprématie de celle chantée par Angela Gheorghiu et Roberto Alagna au MET. Un DVD en a été tiré en 2010 (EMI). La mise en scène de Stephen Barlow est superbe. Angela Gheorghiu, à son meilleur est Magda. Les autres protagonistes et notamment Roberto Alagna (Ruggero) sont excellents. Les choeurs et l'orchestre du Metropolitan Opera sont dirigés par Marco Armiliato.
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