III. Apothéose. Trios en ré majeur HobXV.24, en mi bémol mineur HobXV.31, en do majeur HobXV.27, en mi majeur HobXV.28 et en mi bémol majeur HobXV.30
La
chronologie des huit derniers trios composés en 1794-5 à Londres
par Joseph Haydn fait encore l'objet de débats. Il semble
bien que les trois premiers trios composés furent les trios n° 38
en ré majeur HobXV.24, n° 39 en sol majeur (alla zingarese)
HobXV.25 et n° 40 en fa# mineur, Hob.XV.26. Ces trios sont dédiés
à Rebecca Schröter, une pianiste avec laquelle Haydn
entretint une correspondance affectueuse. Ils sont techniquement plus
faciles que les trois suivants dédiés à la pianiste virtuose
Thérèse Jansen-Bartolozzi (1), respectivement les trios n°
43 en do majeur HobXV.27, n° 44 en mi majeur HobXV.28 et n° 45 en
mi bémol majeur, HobXV.29 qui possèdent une partie de pianoforte dense et complexe. Le trio n° 42 en mi bémol
majeur HobXV.30, également dédié à Thérèse Jansen-Bartolozzi,
a été publié plus tard à Vienne en 1797 mais cela ne prouve pas
qu'il ait été composé après les trois trios n° 43, 44 et 45. Au
plan stylistique, on voit se dessiner une double évolution vers, d'une
part des œuvres monumentales comportant des structures sonates
épanouies (trios n° 43 en do majeur et 42 en mi bémol majeur)
comparables à celles des dernières symphonies, d'autre part des œuvres plus fantaisistes, voire plus disruptives (trios n° 44
en mi majeur et 45 en mi bémol majeur) où Haydn s'emploie à
renouveler les formes, évolution, sommes toutes, parallèle à celle
des quatuors à cordes.
Paul Klee, La machine à gazouiller (1922), MoMA, New York |
Trio
n° 38 en ré majeur (HobXV.24)
Il
fait partie d'une série de trois dédiés à la pianiste
Rebecca
Schröter
et publiés en novembre 1795 (2). Dans cette série, le plus célèbre
est le trio n° 39, HobXV.25 en sol majeur, à cause de son rondo
tzigane final. Le trio n° 40, HobXV.26 en fa dièze mineur est aussi
connu à cause de de son adagio qui est une version pour trio du
mouvement lent de la symphonie n° 102.
Le trio n° 38 en ré majeur est
très bref (un peu plus de douze minutes dans la version du trio van
Swieten).
Le
premier mouvement Allegro 2/2,
structure sonate, débute
avec un beau thème en deux parties séparées par un point d'orgue,
la première dans le ton du morceau et la deuxième en mi mineur. On
arrive à la dominante (la majeur), matérialisée par deux accords
massifs des trois instruments, on attend un second thème mais,
surprise, c'est le premier qui revient dans la tonalité inattendue
de fa majeur. Le thème reviendra encore au moins deux fois et sera
chaque fois accompagné d'admirables modulations. Le développement
est entièrement bâti sur le thème principal. L'élaboration
thématique ne fait pas appel au contrepoint mais utilise toutes les
ressources de l'harmonie car ce thème va faire l'objet des
modulations les plus hardies. Ce qui est miraculeux, à l'audition de
ce
merveilleux mouvement, c'est l'impression d'un jaillissement
continu de mélodies, alors
que dans ce morceau tout
procède du thème initial.
Le deuxième mouvement Andante
en
ré mineur, 6/8 comporte deux parties comme beaucoup de mouvements
lents de sonates de Haydn. C'est une sorte de
marche
lente au
caractère épique, alla
Schubert.
Lorsque le thème principal est repris dans la deuxième partie,
l'effet produit est saisissant du fait de l'écriture; le violoncelle
double la basse du piano et la main droite du pianiste double à
l'octave le violon. La sonorité de ce passage est
fascinante.
L'Andante
est
enchainé à l'extraordinaire dernier mouvement Allegro
ma dolce,
¾, structure Lied. Ce dernier est basé sur un thème
merveilleux traité selon un strict contrepoint à trois voix,
mais un contrepoint flexueux essentiellement musical.
Les lignes musicales se poursuivent, se croisent, se superposent. De
savoureux chromatismes viennent corser l'harmonie. Un intermède
central passionné et dramatique interrompt le flux mélodique du
début mais ce dernier reprend et termine le trio dans la douceur
pour notre plus grande délectation.
Ce trio possède un charme unique et personnellement je le place très haut dans ma liste de trios préférés.
Ce trio possède un charme unique et personnellement je le place très haut dans ma liste de trios préférés.
Paul Klee, Polyphonie (1932), Kunstmuseum Bâle |
Trio
n° 41 en mi bémol mineur (HobXV.31) Rêve
de Jacob
Le
surnom de ce trio dérive peut-être d'une anecdote,
rapportée par Dies (3). Composé
en
1794-5, ce trio
ne fut publié qu'en 1802 (4).
La tonalité improbable de mi
bémol mineur est
déjà un
manifeste d'originalité de la part de Haydn. Les six bémols à la
clé du premier mouvement interdisent l'usage des cordes à vide pour
le violon et le violoncelle et confèrent à ce mouvement un son
typique.
Le premier mouvement Andante, 2/4, est un thème varié comportant à la suite du thème principal en mi bémol mineur, encadré par de doubles barres de reprises, quatre variations alternant les modes majeur et mineur. La troisième "variation" dans la tonalité rare de si majeur (5) pourrait aussi bien être qualifiée d'intermède car elle s'éloigne beaucoup du thème initial. Ce dernier est particulièrement pathétique et la fin de sa deuxième partie est remarquable par son expression intense conférée par des harmonies chromatiques et des modulations poignantes. Les deux superbes variations mineures exploitent toutes les potentialités expressives du thème. On a là, à la suite des variations en fa mineur HobXVII.6 de 1793, un des thèmes variés les plus dramatiques et originaux de Haydn. Ces deux œuvres reflètent le désir chez Haydn de renouveler cette forme devenue désuète à ses yeux, tâche qu'il mènera à bien dans le premier mouvement de son quatuor à cordes opus 76 n° 6 en mi bémol majeur..
Le second mouvement "Jacobs Dream" Allegro en mi bémol majeur est pour le moins étrange. De forme indéterminée, ce morceau m'a semblé atypique et je me suis demandé ce que son auteur avait voulu dire et où voulait-il nous emmener? La gaité de ce mouvement m'a semblé de surface et même factice, cachant une sourde angoisse sous-jacente. Cette angoisse affleure dans certaines parties du développement (mais est-ce vraiment un développement?). Lors du retour du thème principal, violon et piano font étalage de virtuosité avec des traits compliqués qui sont censés représenter l'ascension d'une échelle en direction des hauteurs célestes, ascension qui tourne mal et se termine par une chute dans le le vide. Y-a-t-il eu chez Haydn un désir de provocation vis à vis d'un violoniste inexpérimenté comme semble le relater Dies? Je ne crois pas en cette fable. Cette oeuvre, comme d'autres des années 1790 (nombreux passages d'Orfeo ed Euridice, sonate n° 61 en ré majeur, interlude en la mineur de la version chorale des 7 Dernières Paroles du Christ, trio n° 37 en ré mineur...), est plutôt le témoignage d'une anxiété passagère, d'une sensation de solitude ou d'un désarroi. C'est une fois de plus à Robert Schumann à qui je pense en écoutant ce trio et notamment au mouvement final de sa sonate n° 3 pour piano et violon en la mineur.
Le premier mouvement Andante, 2/4, est un thème varié comportant à la suite du thème principal en mi bémol mineur, encadré par de doubles barres de reprises, quatre variations alternant les modes majeur et mineur. La troisième "variation" dans la tonalité rare de si majeur (5) pourrait aussi bien être qualifiée d'intermède car elle s'éloigne beaucoup du thème initial. Ce dernier est particulièrement pathétique et la fin de sa deuxième partie est remarquable par son expression intense conférée par des harmonies chromatiques et des modulations poignantes. Les deux superbes variations mineures exploitent toutes les potentialités expressives du thème. On a là, à la suite des variations en fa mineur HobXVII.6 de 1793, un des thèmes variés les plus dramatiques et originaux de Haydn. Ces deux œuvres reflètent le désir chez Haydn de renouveler cette forme devenue désuète à ses yeux, tâche qu'il mènera à bien dans le premier mouvement de son quatuor à cordes opus 76 n° 6 en mi bémol majeur..
Le second mouvement "Jacobs Dream" Allegro en mi bémol majeur est pour le moins étrange. De forme indéterminée, ce morceau m'a semblé atypique et je me suis demandé ce que son auteur avait voulu dire et où voulait-il nous emmener? La gaité de ce mouvement m'a semblé de surface et même factice, cachant une sourde angoisse sous-jacente. Cette angoisse affleure dans certaines parties du développement (mais est-ce vraiment un développement?). Lors du retour du thème principal, violon et piano font étalage de virtuosité avec des traits compliqués qui sont censés représenter l'ascension d'une échelle en direction des hauteurs célestes, ascension qui tourne mal et se termine par une chute dans le le vide. Y-a-t-il eu chez Haydn un désir de provocation vis à vis d'un violoniste inexpérimenté comme semble le relater Dies? Je ne crois pas en cette fable. Cette oeuvre, comme d'autres des années 1790 (nombreux passages d'Orfeo ed Euridice, sonate n° 61 en ré majeur, interlude en la mineur de la version chorale des 7 Dernières Paroles du Christ, trio n° 37 en ré mineur...), est plutôt le témoignage d'une anxiété passagère, d'une sensation de solitude ou d'un désarroi. C'est une fois de plus à Robert Schumann à qui je pense en écoutant ce trio et notamment au mouvement final de sa sonate n° 3 pour piano et violon en la mineur.
Paul Klee Variations (1927) MoMA New York |
Trio
n° 43 en do majeur (HobXV.27)
Nous
abordons maintenant la dernière ligne droite avec deux des trois
trios pour piano, violon et violoncelle en ut majeur, en mi majeur et
en mi bémol majeur (HobXV.27, 28, 29 respectivement). Ces oeuvres
composées par Joseph Haydn en 1794-5, furent dédiées à la
pianiste virtuose Thérèse
Jansen-Bartolozzi.
Par leur dimensions et leur difficulté d'exécution, ils
constituent un aboutissement dans ce genre musical et une source
d'inspiration pour le jeune Beethoven.
Le trio n° 43 en do majeur est peut-être le plus vaste des trios de Haydn. Il s'ouvre par un
spectaculaire premier mouvement Allegro
auquel la tonalité de do majeur donne un brillant et une puissance
extraordinaires. Le thème principal est d'un dynamisme et d'un élan
qui emporte tout sur son passage. Après le thème énoncé
énergiquement par les trois instruments, on entend la réponse dolce
du piano qui avec ses secondes majeures laisse pressentir un rôle
important dans le développement. Ce dernier est un des plus élaborés
et intenses de Haydn, il est construit d'abord autour de ce fameux
motif dolce
du piano dont les secondes devenues mineures sont maintenant beaucoup
plus sombres et menaçantes. Le thème principal reparaît forte en
la bémol et la réponse en secondes va initier un nouveau
développement contrapuntique très serré, donnant lieu à de
magnifiques modulations. La transition amenant la rentrée est d'une
fantaisie et inventivité tout simplement géniales. Le contraste
existant entre la stabilité tonale de l'exposition et l'activité
modulante intense du développement est frappant.
L'andante
est de forme lied. La tonalité de la majeur de ce mouvement, très
éloignée de l'ut majeur initial, déroute un peu mais c'est un
trait assez constant dans les oeuvres de Haydn postérieures à 1790.
La première partie débute avec un thème d'une grande ampleur et
richesse mélodique. L'intermède mineur d'une grande violence
contraste vivement avec ce qui précède d'autant plus que son thème
est issu mystérieusement du thème principal du morceau. La rentrée
achève ce morceau dans un climat apaisé et quelque peu
mélancolique.
Le
génial Presto
final équilibre par ses dimensions le premier mouvement. Le thème
principal de cette structure sonate renoue avec le schéma ascendant
du thème du premier mouvement et, ici, le mouvement ascendant est
encore plus incisif. On est sidéré pendant ce début par la vitesse
des modulations à la main gauche du pianiste et au violoncelle dont
les figurations semblent se dérober sous les autres voix. Un second
thème plus lyrique clôt l'exposition. Le développement est
axé sur le thème principal qui passe par toutes les couleurs
possibles, c'est ensuite le second thème qui est développé, puis
le début de second thème passe au violon tandis que la main gauche
du pianiste s'empare de bribes du premier thème: l'effet produit par
cette combinaison est particulièrement riche et intense. Lors de la
reexposition, le second thème donne lieu à une extension syncopée,
martelée par les trois instruments, d'une puissance extraordinaire.
Dire qu'un tel morceau préfigure Beethoven est presque un lieu
commun, il serait plus exact de dire que dans de nombreuses oeuvres
de musique de chambre, le jeune Beethoven s'inspire de Haydn! En tout
état de cause, ce Presto enthousiasma Felix Mendelssohn qui écrivit
à sa soeur: Les gens n'en revenaient pas d'étonnement qu'une
chose aussi belle puisse exister et pourtant elle est imprimée
depuis longtemps chez Breitkopf et Härtel (6).
Trio
n° 44 en mi majeur (HobXV.28)
C'est
le deuxième des trios dédiés par Joseph
Haydn à
la pianiste Thérèse Jansen-Bartolozzi et composés entre 1794 et
1795. Plus intimiste et fantasque que le précédent trio, le
monumental trio en do majeur, n° 43, HobXV.27, il se distingue par
un extraordinaire
mouvement central.
Le premier mouvement Allegro moderato s'ouvre par un thème truffé d'appoggiatures, joué piano à la main droite du pianiste avec un luxe de nuances. Les doubles croches piquées de la main gauche et les pizziccati des cordes confèrent à ce thème une sonorité très originale et séduisante. Ce thème, répété une fois, joue en quelque sorte un rôle de portique. Il reparaîtra une fois encore au cours de l'exposition à la dominante mais sera suivi par une brusque modulation en sol majeur qui nous emmène dans des contrées mystérieuses. La liberté de ce mouvement se manifeste de façon encore plus vive lors du retour tout à fait inattendu du thème en la bémol majeur au cours du développement. Ce dernier assez court n'est pas basé sur le travail thématique mais est plutôt une libre fantaisie utilisant plusieurs motifs notamment celui qui terminait l'exposition. La partie de violon est très difficile avec doubles cordes et passages à deux voix. La réexposition est profondément modifiée et donne lieu à une extension lyrique et passionnée d'un des motifs de l'exposition. On notera dans cette section l'intervention de puissants octaves à la main droite du pianiste. Alors que le trio n° 43 en do majeur, HobXV.27 s'ouvre par un monumentale structure sonate, on dirait que dans ce trio, Haydn est à la recherche d'autres formes pour canaliser les idées qui bouillonnent en lui.
La première fois que j'écoutai les premières mesures du thème de l'allegretto en mi mineur, je crus à un plagiat du mouvement lent du Concerto Italien de Jean Sébastien Bach. Toutefois au fur et à mesure que la musique s'écoulait, je réalisai l'extrême originalité de cette musique. C'est d'abord la ligne de basse d'allure typiquement baroque à la manière d'un ostinato de chaconne que l'on remarque. Toutefois cette allure baroque disparaît quand cette basse obstinée est transposée dans les profondeurs du clavier et prend une résonance caverneuse, amplifiée par le vide existant entre le soprano et la basse. Ce caractère inquiétant presque fantastique est exacerbé quand le thème passe aux basses et la ligne de basse passe à la main droite du pianiste et au violon à l'octave. Depuis ma première audition, ce mouvement n'a pas perdu une once de sa force et exerce toujours la même fascination.
Le finale Allegro à ¾ a un thème très original, charmant et dansant, énoncé innocentemente. A la fin de cette première partie, la répétition quasi obsessionnelle de la première mesures de thème aboutit à un crescendo d'intensité expressive. L'intermède central en mi mineur est issu du thème initial, confié essentiellement aux cordes, il impressionne par sa véhémence et son âpreté très brahmsiennes. Les modulations sont hardies et on navigue de mi mineur vers si bémol mineur en passant par do# mineur pour revenir à mi majeur, ton principal du morceau. La reprise de la première partie s'effectue avec de menus changements. La coda très poétique évoque cette fois le Brahms doux et rêveur de la deuxième symphonie en ré majeur.
Le premier mouvement Allegro moderato s'ouvre par un thème truffé d'appoggiatures, joué piano à la main droite du pianiste avec un luxe de nuances. Les doubles croches piquées de la main gauche et les pizziccati des cordes confèrent à ce thème une sonorité très originale et séduisante. Ce thème, répété une fois, joue en quelque sorte un rôle de portique. Il reparaîtra une fois encore au cours de l'exposition à la dominante mais sera suivi par une brusque modulation en sol majeur qui nous emmène dans des contrées mystérieuses. La liberté de ce mouvement se manifeste de façon encore plus vive lors du retour tout à fait inattendu du thème en la bémol majeur au cours du développement. Ce dernier assez court n'est pas basé sur le travail thématique mais est plutôt une libre fantaisie utilisant plusieurs motifs notamment celui qui terminait l'exposition. La partie de violon est très difficile avec doubles cordes et passages à deux voix. La réexposition est profondément modifiée et donne lieu à une extension lyrique et passionnée d'un des motifs de l'exposition. On notera dans cette section l'intervention de puissants octaves à la main droite du pianiste. Alors que le trio n° 43 en do majeur, HobXV.27 s'ouvre par un monumentale structure sonate, on dirait que dans ce trio, Haydn est à la recherche d'autres formes pour canaliser les idées qui bouillonnent en lui.
La première fois que j'écoutai les premières mesures du thème de l'allegretto en mi mineur, je crus à un plagiat du mouvement lent du Concerto Italien de Jean Sébastien Bach. Toutefois au fur et à mesure que la musique s'écoulait, je réalisai l'extrême originalité de cette musique. C'est d'abord la ligne de basse d'allure typiquement baroque à la manière d'un ostinato de chaconne que l'on remarque. Toutefois cette allure baroque disparaît quand cette basse obstinée est transposée dans les profondeurs du clavier et prend une résonance caverneuse, amplifiée par le vide existant entre le soprano et la basse. Ce caractère inquiétant presque fantastique est exacerbé quand le thème passe aux basses et la ligne de basse passe à la main droite du pianiste et au violon à l'octave. Depuis ma première audition, ce mouvement n'a pas perdu une once de sa force et exerce toujours la même fascination.
Le finale Allegro à ¾ a un thème très original, charmant et dansant, énoncé innocentemente. A la fin de cette première partie, la répétition quasi obsessionnelle de la première mesures de thème aboutit à un crescendo d'intensité expressive. L'intermède central en mi mineur est issu du thème initial, confié essentiellement aux cordes, il impressionne par sa véhémence et son âpreté très brahmsiennes. Les modulations sont hardies et on navigue de mi mineur vers si bémol mineur en passant par do# mineur pour revenir à mi majeur, ton principal du morceau. La reprise de la première partie s'effectue avec de menus changements. La coda très poétique évoque cette fois le Brahms doux et rêveur de la deuxième symphonie en ré majeur.
Paul Klee, Polyphony 2, Kunstmuseum Bâle |
Trio
n° 42 en mi bémol majeur (HobXV.30) Apothéose
On
pourrait discuter longuement pour savoir lequel des grands trios pour
piano, violon et violoncelle dans la tonalité de mi
bémol majeur:
n° 23 (HobXV.10), n° 24 (HobXV.11), n° 36 (HobXV.22), n° 45
(HobXV.29), et le présent trio n° 42, peut-être le dernier composé
car paru chez l'éditeur Artaria fin 1797, est le plus beau. Ce qui
est certain c'est que tous ces trios en mi bémol ont un air de
famille, une sonorité particulière faite de force, noblesse,
lyrisme, gravité.
Le premier mouvement Allegro moderato, 4/4, est une puissante structure sonate pleinement épanouie d'une grande richesse thématique, on peut distinguer, sans compter les nombreux motifs secondaires, au moins quatre thèmes, tous généreusement développés. Les deuxièmes, troisièmes et quatrièmes thèmes sont subtilement issus du premier. L'admirable troisième thème en si bémol mineur est incroyablement romantique. Le quatrième thème très virtuose évoque une ritournelle de concerto pour piano. Le développement très intense est construit à partir des premiers, seconds et quatrièmes thèmes. Lors de la réexposition, profondément remaniée, on remarque une extension très dramatique du second thème. Le troisième thème est modifié également de façon inattendue ce qui le rend encore plus expressif. On a ici sans aucun doute un des plus grandioses premier mouvements de Joseph Haydn.
Le très bel andante con moto en do majeur, 3/8, offre un vif contraste avec ce qui précède. De forme lied, il débute avec un thème merveilleusement harmonisé au caractère recueilli, presque religieux.. L'intermède central, très court et intense, reste dans l'ambiance de la première partie tout en l'approfondissant et dans la troisième section, le thème initial est réexposé avec de nouveaux ornements. Une émouvante transition enchaine ce mouvement au suivant.
C'est avec un finale, Presto, ¾, énigmatique et disruptif que se termine l'oeuvre. D'une extrême concentration comme beaucoup de mouvements de cette période, ce morceau est un mouvement perpétuel sans la moindre pause pour reprendre son souffle. La première partie est encadrée de doubles barres de reprises. Le thème anguleux exposé par le piano n'est pas facile à mémoriser mais les contrepoints du violon en facilitent la compréhension. La deuxième partie est un vaste et véhément intermède mineur. Le thème, d'abord au violon est accompagné par une partie de pianoforte massive et agressive, il se partage ensuite entre clavier et violon avec une violence accrue; à la fin de l'intermède, on entend à la main gauche du piano un écho en mineur du thème initial. La troisième partie est d'abord une récapitulation de la première partie avec quelques modifications. Dans la vaste coda, le contrepoint devient de plus en plus serré et le morceau se termine avec la plus grande énergie mais de manière interrogative. Rien de joyeux dans ce morceau mais une angoisse latente typique du dernier Haydn. La fragmentation des thèmes et l'absence de respiration entre eux, la hâte fiévreuse me font penser une fois de plus au Schumann de la deuxième sonate pour piano et violon en ré mineur opus 121 ou encore au trio opus 132 pour piano, clarinette et alto.
Le premier mouvement Allegro moderato, 4/4, est une puissante structure sonate pleinement épanouie d'une grande richesse thématique, on peut distinguer, sans compter les nombreux motifs secondaires, au moins quatre thèmes, tous généreusement développés. Les deuxièmes, troisièmes et quatrièmes thèmes sont subtilement issus du premier. L'admirable troisième thème en si bémol mineur est incroyablement romantique. Le quatrième thème très virtuose évoque une ritournelle de concerto pour piano. Le développement très intense est construit à partir des premiers, seconds et quatrièmes thèmes. Lors de la réexposition, profondément remaniée, on remarque une extension très dramatique du second thème. Le troisième thème est modifié également de façon inattendue ce qui le rend encore plus expressif. On a ici sans aucun doute un des plus grandioses premier mouvements de Joseph Haydn.
Le très bel andante con moto en do majeur, 3/8, offre un vif contraste avec ce qui précède. De forme lied, il débute avec un thème merveilleusement harmonisé au caractère recueilli, presque religieux.. L'intermède central, très court et intense, reste dans l'ambiance de la première partie tout en l'approfondissant et dans la troisième section, le thème initial est réexposé avec de nouveaux ornements. Une émouvante transition enchaine ce mouvement au suivant.
C'est avec un finale, Presto, ¾, énigmatique et disruptif que se termine l'oeuvre. D'une extrême concentration comme beaucoup de mouvements de cette période, ce morceau est un mouvement perpétuel sans la moindre pause pour reprendre son souffle. La première partie est encadrée de doubles barres de reprises. Le thème anguleux exposé par le piano n'est pas facile à mémoriser mais les contrepoints du violon en facilitent la compréhension. La deuxième partie est un vaste et véhément intermède mineur. Le thème, d'abord au violon est accompagné par une partie de pianoforte massive et agressive, il se partage ensuite entre clavier et violon avec une violence accrue; à la fin de l'intermède, on entend à la main gauche du piano un écho en mineur du thème initial. La troisième partie est d'abord une récapitulation de la première partie avec quelques modifications. Dans la vaste coda, le contrepoint devient de plus en plus serré et le morceau se termine avec la plus grande énergie mais de manière interrogative. Rien de joyeux dans ce morceau mais une angoisse latente typique du dernier Haydn. La fragmentation des thèmes et l'absence de respiration entre eux, la hâte fiévreuse me font penser une fois de plus au Schumann de la deuxième sonate pour piano et violon en ré mineur opus 121 ou encore au trio opus 132 pour piano, clarinette et alto.
Après
cet ultime chef-d'oeuvre, dernier né d'une liste de quarante cinq,
cette série s'achève en apothéose.
1. Heureuse
Therèse Jansen qui fut également dédicataire en 1794 de trois
magnifiques sonates pour pianoforte, opus 33 n° 1 en la majeur, n°
2 en fa majeur et n° 3 en do majeur de Muzio Clementi, en poste à
Londres à l'époque.
2. Marc
Vignal, Joseph Haydn, Fayard 1988, p. 1256.
4. Marc
Vignal, Joseph Haydn, Fayard 1988, p. 1262-4.
5. Si
majeur est la sous-dominante de fa # majeur, enharmonique de sol
bémol majeur, relatif majeur de mi bémol mineur, tonalité
principale du premier mouvement du trio n° 41.
6. Marc
Vignal, Joseph Haydn, ibid, p. 1259-1260.
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