Gli
astrologi immaginari par Génération Baroque
Martin
Gester, Direction musicale et supervision
Iason
Marmaras, Assistant à la direction
Carlos
Harmuch, Mise en scène
Fernanda
de Araujo, Assistante à la mise en scène
Christian
Peuckert, Création lumières
Valeria
La Grotta, Clarice
Cristina
Mosca, Cassandra
Thomas
Hansen, Giuliano
Nicola
Ciancio, Petronio
Georgia
Tryfonio, Discepolo 1
Fernanda
de Arauji, Discepolo 2
Elias
Juan Ongay, Discepolo 3
Leonard
Schneider, Discepolo 4.
Bianca
Fiorito, flûte traversière
Linda
Alijaj, Erika Maschke, hautbois
Kamila
Wyslucha, basson
Aleksandra
Brzoskowska, Tiphaine Hervouet, violons
Maxwell
Alemàn, alto
Matylda
Adamus, violoncelle
Jordi
Cassagne, contrebasse
Iason
Marmaras, clavecin
44ème
Saison de l'AMIA, Eglise Sainte Aurélie, Strasbourg, 17 janvier 2020
Cassandra, photo Simon Hanot |
Aux sources de l'inspiration mozartienne
La
vie était dure pour les compositeurs d'opéras aux temps baroques et
classiques. Un succès éclatant n'entraînait pas forcément une
renommée durable car le public de l'époque était très avide de
nouveauté. Il fallait donc remettre très vite le fer sur l'enclume
afin de ne pas se faire oublier. Des compositeurs comme Giovanni
Paisiello
(1740-1816), Domenico
Cimarosa
(1748-1801) et bien d'autres (Francesco Bianchi, Gennaro Astaritta,
Pasquale Anfossi, Nicolo Piccinni, etc...) écrivaient de quatre à
six opéras par an soit une centaine au cours de leur vie. Il est
frappant de constater que pendant le séjour de Paisiello à Saint
Petersbourg, au service de l'Impératrice Catherine de Russie de 1777
à 1783, la production opératique du natif des Pouilles se ralentit
considérablement et en même temps devint plus qualitative. C'est
pendant le séjour en Russie que furent écrits Gli
astrologi immaginari (1779),
Il
barbiere di Sevilla (1782)
et Il
mondo della luna
(1783).
Clarice, photo Simon Hanot |
Gli Astrologi Immaginari, musique de Giovanni Paisiello sur un livret de Giovanni Bertati (1735-1815), fut représenté au Théâtre de l'Hermitage de Saint Petersbourg le 14 février 1779. Le succès fut immédiat et l'oeuvre parcourut les principales capitales européennes dans la décennie qui suivit. Joseph Haydn (1732-1809) monta et dirigea l'oeuvre au théâtre d'Eszterhàza en 1782. A partir de cette date et jusqu'en 1784, il y eut 33 représentations à Eszterhàza, chiffre considérable montrant l'intérêt de Nicolas le Magnifique pour cette oeuvre, seulement dépassé par celui (54) des représentations d'Armida, opéra seria de Haydn (1).
Clarice, Petronio, Giuliano, une disciple, photo Simon Hanot |
Petronio est passionné jusqu'à l'obsession d'astronomie et de philosophie. Il s'est mis en tête de marier ses filles, Clarice et Cassandra à des savants et de ce fait rejette Giuliano, l'amoureux de Clarice. Contrairement à Clarice, une fille toute simple, sa soeur ainée Cassandra est férue de philosophie. Pour conquérir Clarice, Giuliano se déguise en un philosophe grec âgé de cent ans. Le philosophe prétend pouvoir rajeunir grâce à un élixir. Il pense également pouvoir guérir Clarice de son ignorance et c'est avec enthousiasme que Petronio lui confie sa fille et signe un papier, un acte de mariage en fait, sans l'avoir lu. Entre temps l'élixir fonctionne, le philosophe rajeunit et se transforme en Giuliano au grand désespoir de Petronio qui réalise qu'il a été berné.
Ce livret complètement loufoque, très commedia dell'arte était fait pour amuser le public avec deux thèmes "porteurs":
-l'idée fixe, thème déjà abordé dans le remarquable Socrate Immaginario et Il Sposo burlato de Paisiello et la délirante Armida immaginaria de Cimarosa et
-le conflit de générations.
En outre aucun opéra bouffe ne pouvait se passer de l'inusable artifice du déguisement.
Avec des airs assez courts, dépourvus de virtuosité, deux beaux ensembles de dix minutes chacun terminant les deux actes et quelques choeurs assez brefs, l'oeuvre est remarquable par sa concentration et annonce par bien des côtés Le Barbier de Séville terminé trois ans plus tard. Il est probable qu'elle dut plaire à Haydn qui reprochait aux opéras italiens la longueur des airs au regard de leur contenu musical. Du fait de son succès, l'oeuvre voyagea dans la plupart des capitales européennes et cela jusqu'au début du 19ème siècle. De ce fait il existe plusieurs versions de l'oeuvre. La version utilisée par Génération Baroque est celle de la bibliothèque de Vienne, très proche du manuscrit original, selon Martin Gester. L'instrumentation de cette version est délibérément allégée par rapport à l'original. Le parti-pris de Génération Baroque de mettre l'orchestre sur la scène ne permettait pas une formation élargie.
Génération
Baroque,
atelier lyrique du Parlement de Musique, est un instrument de
détection de talents, un lieu d'expérimentation, de formation et
une tribune. Après
L'Infedelta delusa de Haydn, L'Italiana in Londra
de Cimarosa en 2015, Alceste
de Lully en 2016, Pimpinone
de
Telemann
et Livietta
e Tracollo
de Pergolèse en 2017 et Diane
ou la vengeance de Cupidon
de Reinhard Keiser en 2018 (2), Génération
Baroque continue, avec Gli
astrologi immaginari,
d'explorer et de faire revivre le monde de l'opera buffa du dix
huitième siècle.
Cassandra absorbée dans ses recherches, photo Simon Hanot |
La
mise en scène de Carlos Harmuch exploite pleinement les finesses du
livret de Bertati. Un groupe de jeunes gens déménageant une
bibliothèque, tombent sur des grimoires, des curiosités, de
nombreuses planches ornithologiques, une corneille. A partir de là,
ils imaginent une action dramatique dans laquelle la philosophie et
la gent ailée jouent un rôle de premier plan. Force est de
constater qu'il s'agit d'une science de pacotille qui finira au
placard en même temps que la corneille qui l'inspire. La
scénographie très simple utilise des amas de cartons joliment
peints et tire parti des lieux notamment de la magnifique chaire
baroque placée au fond de la scène. Les costumes et déguisements
sont drôles et seyants. Si on y ajoute une superbe direction
d'acteurs, tous les ingrédients sont réunis pour un beau spectacle.
L'oeuvre
démarre sur les chapeaux de roues avec le terzetto: "Un
signor di buon aspetto".
Clarice annonce la venue de son amoureux Giuliano à Cassandra et
Petronio. Ces derniers absorbés par un livre de philosophie et par
l'observation du ciel demandent le silence. D'emblée le charme
mélodique et la splendeur sonore de
ce début sont dignes du meilleur Paisiello. Les quatre chanteurs
principaux donnent de la voix et réussissent une magnifique entrée
en matière.
Valeria La Grotta est l'interprète de Clarice. Dans la cavatine "Mi sia guida la mia stella", la chanteuse dialogue avec un basson et un hautbois ce qui confère à cet air un charme exquis. La mélodie de Paisiello émeut par sa simplicité et son naturel. Dans Una donna letterata, la chanteuse dessine avec humour son portrait, elle n'est pas faite pour la philosophie mais pour les joies simples de la famille. Tout cela fait mouche grâce à l'excellente projection de sa voix, sa belle diction et une excellente intonation. Plus loin elle se montre très émouvante dans sa dramatique intervention du finale de l'acte I, Sospirando notte e di.
Valeria La Grotta est l'interprète de Clarice. Dans la cavatine "Mi sia guida la mia stella", la chanteuse dialogue avec un basson et un hautbois ce qui confère à cet air un charme exquis. La mélodie de Paisiello émeut par sa simplicité et son naturel. Dans Una donna letterata, la chanteuse dessine avec humour son portrait, elle n'est pas faite pour la philosophie mais pour les joies simples de la famille. Tout cela fait mouche grâce à l'excellente projection de sa voix, sa belle diction et une excellente intonation. Plus loin elle se montre très émouvante dans sa dramatique intervention du finale de l'acte I, Sospirando notte e di.
Le
rôle de Petronio est confié généralement à un basso
buffo
censé représenter un vieux barbon. Le baryton-basse Nicola
Ciancio a incarné ce personnage malgré son jeune âge, chose normale quand on appartient à une jeune troupe dont un des buts est de produire un spectacle tout en s'amusant. La belle voix ample et
sonore de Nicola Ciancio donnait beaucoup de punch à ses
interventions notamment dans son air, A
voi darla in matrimonio...dans
lequel il fait montre de souffle, de puissance et d'une amusante
agilité vocale.
Clarice et Juliano, photo Simon Hanot |
Thomas
Hansen
(Giuliano) s'exprime avec une chaleur non dépourvue de finesse dans
l'aria Vi
lascio in pegno il core. Il
s'agit d'un air à deux vitesses, débutant andantino et se
poursuivant allegro. D'une voix de baryton bien timbrée, plus
lyrique que celle de Petronio, il trouvait les accents adéquats pour
exprimer son amour profond pour Clarice et nous émouvoir en même
temps.
Dans Le finale de l'acte I, "Venga pur ch'è benvenuto...", on est frappé par la quasi identité du passage "Se attender voi siete contento" avec plusieurs passages du Barbier de Séville du même Paisiello et l'air fameux de Cherubino Non so piu cosa son, cosa faccio..., des Noces de Figaro de Mozart. Le tutti final est endiablé, les quatre protagonistes entrent en canon à la manière d'un madrigal de la Renaissance, comme cela sera aussi le cas dans les choeurs terminant Il Mondo della Luna (1783) et Il Re Teodoro in Venezia (1784) du même Paisiello. Tout s'arrête et, moment magique, le quatuor murmure "Silenzio qua si faccia", moment d'une intense poésie. Seul Paisiello est capable de tels contrastes qui étaient magnifiquement rendus ce 17 janvier par un brillant quatuor vocal.
L'acte II débute par un duetto entre Clarice et Petronio qui est un des sommets de l'opéra. Clarice avec toute la bonne éducation qui la caractérise refuse poliment les deux partis grotesques que son père lui impose. Devant l'obstination paternelle, elle répond avec énergie et détermination. Nicola Cianco et Valeria La Grotta se surpassent dans ce duetto dont le comique réside dans l'extrême vélocité du débit de parole.
Dans Le finale de l'acte I, "Venga pur ch'è benvenuto...", on est frappé par la quasi identité du passage "Se attender voi siete contento" avec plusieurs passages du Barbier de Séville du même Paisiello et l'air fameux de Cherubino Non so piu cosa son, cosa faccio..., des Noces de Figaro de Mozart. Le tutti final est endiablé, les quatre protagonistes entrent en canon à la manière d'un madrigal de la Renaissance, comme cela sera aussi le cas dans les choeurs terminant Il Mondo della Luna (1783) et Il Re Teodoro in Venezia (1784) du même Paisiello. Tout s'arrête et, moment magique, le quatuor murmure "Silenzio qua si faccia", moment d'une intense poésie. Seul Paisiello est capable de tels contrastes qui étaient magnifiquement rendus ce 17 janvier par un brillant quatuor vocal.
L'acte II débute par un duetto entre Clarice et Petronio qui est un des sommets de l'opéra. Clarice avec toute la bonne éducation qui la caractérise refuse poliment les deux partis grotesques que son père lui impose. Devant l'obstination paternelle, elle répond avec énergie et détermination. Nicola Cianco et Valeria La Grotta se surpassent dans ce duetto dont le comique réside dans l'extrême vélocité du débit de parole.
Le
duo "Con
anni cento..."
de Giuliano grimé en un philosophe âgé de cent ans et de Petronio
avec force voix chevrotantes, toux, crachats est particulièrement
célèbre. Paisiello récidivera dans la scène tout aussi fameuse
des éternuements dans Il
barbiere di Sevilla.
Les
spectateurs devaient être pliés en deux à force de rire.
Je ne suis pas très sensible à ce comique un peu vulgaire qu'un
Mozart ne
se serait jamais permis de pratiquer, du moins dans sa musique.
Thomas Hansen et Nicola Cianco n'en font pas des tonnes ce que j'ai
apprécié.
Le magnifique air de Cassandra "L'ora cheta ed opportuna" est accompagné par le choeur. Cassandra bénéficie d'un des plus beaux moments de l'oeuvre. Dans la version présentée par Génération Baroque, Cassandra chante au préalable un air rarement interprété, Di mie virtu sicuro. Ce dernier, écrit dans le style de l'opéra seria, est parodique et Cristina Mosca le chante avec beaucoup d'humour d'une voix à la magnifique projection et au timbre chaleureux. Cristina Mosca a donné à cette protagoniste sans grande caractérisation dans le livret, une cohésion psychologique et une vraie personnalité.
Lors du finale de l'acte II, on éprouve une sensation de déjà vu et entendu. Il débute avec une scène au rythme ¾ très voisine de scènes "infernales" de Socrate immaginario, il Sposo burlato de Paisiello et La Grotta di Trofonio d'Antonio Salieri (1750-1825), toutes évidemment inspirées par Orfeo ed Euridice de Christoph Willibald Gluck (1714-1787). Les quatre chanteurs principaux nous conduisent vers une lieto fine. Jeunesse et enthousiasme sont les mots qui viennent spontanément à la bouche pour saluer leur prestation.
Le magnifique air de Cassandra "L'ora cheta ed opportuna" est accompagné par le choeur. Cassandra bénéficie d'un des plus beaux moments de l'oeuvre. Dans la version présentée par Génération Baroque, Cassandra chante au préalable un air rarement interprété, Di mie virtu sicuro. Ce dernier, écrit dans le style de l'opéra seria, est parodique et Cristina Mosca le chante avec beaucoup d'humour d'une voix à la magnifique projection et au timbre chaleureux. Cristina Mosca a donné à cette protagoniste sans grande caractérisation dans le livret, une cohésion psychologique et une vraie personnalité.
Lors du finale de l'acte II, on éprouve une sensation de déjà vu et entendu. Il débute avec une scène au rythme ¾ très voisine de scènes "infernales" de Socrate immaginario, il Sposo burlato de Paisiello et La Grotta di Trofonio d'Antonio Salieri (1750-1825), toutes évidemment inspirées par Orfeo ed Euridice de Christoph Willibald Gluck (1714-1787). Les quatre chanteurs principaux nous conduisent vers une lieto fine. Jeunesse et enthousiasme sont les mots qui viennent spontanément à la bouche pour saluer leur prestation.
Les
choeurs des disciples, musiques d'une simplicité et d'un charme
mélodique incomparables, illustrent bien le génie
de Paisiello dans le maniement des voix.
Ils étaient chantés par Georgia
Tryfona,
Fernanda
de Araujo,
Elias
Juan Ongay
et Léonard
Schneider. Ces
derniers, acteurs désopilants et excellents chanteurs, ont contribué
de façon marquante à l'action sur scène et au beau son de
l'oeuvre.
L'orchestre
de Génération Baroque en petite formation (quintette à cordes, les
vents et le continuo) produisait un son nourri et équilibrait
parfaitement les voix. Les cordes étaient précises et alertes, les
bois très présents dialoguaient fréquemment avec les voix.
L'orchestre, les choeurs et les solistes étaient placés sous la
direction experte de Martin
Gester.
Une musique ravissante, parfois émouvante, le plus souvent légère et sans prétention, une interprétation jeune et dynamique, étaient les ingrédients principaux de cette réussite majeure. Puisse ce succès encourager les maisons d'opéra de programmer plus souvent des opéras de Paisiello.
Cette chronique a été publiée sous une forme différente dans BaroquiadeS (3).
Une musique ravissante, parfois émouvante, le plus souvent légère et sans prétention, une interprétation jeune et dynamique, étaient les ingrédients principaux de cette réussite majeure. Puisse ce succès encourager les maisons d'opéra de programmer plus souvent des opéras de Paisiello.
Cette chronique a été publiée sous une forme différente dans BaroquiadeS (3).
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, p. 232-4.
(2) http://www.baroquiades.com/articles/chronic/1/diane-et-cupidon-keiser-generation-baroque-2018
(3) http://www.baroquiades.com/articles/chronic/1/astrologi-immaginari-paisiello-generation-baroque-strasbourg
(2) http://www.baroquiades.com/articles/chronic/1/diane-et-cupidon-keiser-generation-baroque-2018
(3) http://www.baroquiades.com/articles/chronic/1/astrologi-immaginari-paisiello-generation-baroque-strasbourg
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